Projet de logements étudiants ULB au 151-153 avenue Buyl : cage à kots pour l’ULB, pompe à fric pour le privé

Projet de logements étudiants ULB au 151-153 avenue Buyl : cage à kots pour l’ULB, pompe à fric pour le privé

Les bâtiments n°151-153 avenue Buyl à Ixelles (à deux pas de l’ULB) n’étaient que très peu connus par la grande majorité des étudiant.e.s de l’Université Libre de Bruxelles. Pourtant, ils ont été le foyer de bien des histoires et des rencontres… Ils s’apprêtent à être démolis très prochainement, sur demande de l’ULB, afin d’y reconstruire de nouveaux logements étudiants. On pourrait se réjouir de voir l’ULB construire du logement étudiant, mais bien entendue cela se fera avec l’aide d’une société immobilière privée (Patrimonia), à travers ce qu’on appelle un partenariat public-privé (PPP).

Tout a commencé en 2014, à l’époque où Mr. Alain Delchambre était encore le président du Conseil d’administration de l’ULB, avant d’être contraint à démissionner peu après la séance de rentrée académique 2014-2015 (pour cause d’avoir plagié son discours de rentrée, via son sous-fifre de l’époque – pardon son « conseiller politique » – Arnaud Tinlot). La signature de la convention-cadre entre l’ULB et la société privée Patrimonia Fund Europe date du 9 avril 2014.
Depuis maintenant plusieurs années, l’ULB assume complètement sa nouvelle politique du logement étudiant, qui consiste à laisser les résidences universitaires de l’ULB se délabrer au fil des saisons, estimant qu’il n’y aurait rien à gagner à tenter d’exiger un refinancement au Ministère de l’Enseignement supérieur, afin de pouvoir faire des investissements publics dans la rénovation de ses logements étudiants. Au lieu de cela, sous-couvert de l’excuse du manque de moyens publics alloués à l’université (il est surtout question d’un manque de courage politique), l’ULB négocie dorénavant tous ses projets de logement (constructions ou rénovations) avec le privé. Cela se fait via des PPP et des droits d’emphytéose, qui permettent de céder à la société privée la propriété des biens immobiliers et leurs revenus (à savoir les loyers à faire payer aux étudiant.e.s), parfois pendant plus de 60 ans, en échanges de la prise en charge des travaux.

Ce genre de politique du logement a un impact direct pour les étudiant.e.s, où les loyers voient parfois leur prix presque doubler. Qui pourrait croire que les sociétés privées de l’immobilier se jetteraient sur le marché du logement étudiant que par pur altruisme du service à la collectivité ? Et qu’elles seraient prêtes à rénover ou construire des logements étudiants, sans forcément vouloir en tirer le plus de profits possibles ? Tout le monde sait que le marché de l’immobilier est bien évidemment l’un des plus exemplaires en terme d’éthique !
Prenons l’exemple de la rénovation de la résidence Mandela, avenue des Courses (dite aussi « résidence des Courses »), projet contre lequel le syndicat ULB de l’Union syndicale étudiante avait mené une lutte intense en 2012. Et bien, parce que la rénovation se fit via le privé, le loyer mensuel pour les étudiant.e.s résident.e.s est passé de 250 € à 338 €, soit presque une augmentation de 50 %…

Pour le cas du 151-153, bâtiments considérés « en ruine », l’ULB concède à Patrimonia un droit d’emphytéose de 35 ans (avec une possible reconduction au profit de deux fois 15 ans pour la société), et les travaux de démolition puis de reconstruction devraient être terminés pour le mois de décembre 2016. Pour aller au plus profond de l’arnaque que représentent les PPP et les emphytéoses, Patrimonia se chargera des travaux et de l’obtention des permis de bâtir et de démolition, et l’ULB quant à elle se chargera de la gestion future des logements, mais aussi de la maintenance technique, de l’entretien, et des « petits » travaux en cas de réparations, tout cela aux frais de l’ULB, alors que les loyers des étudiant.e.s seront versés à la société privée…
Le respect du cadre de la convention, et l’obtention des permis, ne furent par contre pas choses aisées, ni pour l’ULB, ni pour Patrimonia. D’ailleurs, ils ne devraient obtenir leur permis de bâtir que lors d’un prochain Conseil communal d’Ixelles. Il y eut en effet plusieurs difficultés pour obtenir ce permis. Tout d’abord, après avoir fait les premières demandes à la commune, il y eut deux commissions de concertation (une au printemps 2014, et une autre au printemps 2015), suite aux plaintes des riverains, et l’ULB dû changer à plus d’une fois les plans d’architecture. Le projet voulait au départ construire 59 kots étudiants, sans aucune salle d’étude, et avec – préparez-vous – une seule cuisine ! Le service d’urbanisme de la Commune d’Ixelles, dirigé par Mme Nathalie Gilson (MR), imposa à l’ULB de revoir ses plans, avec plus d’espaces communs pour les étudiant.e.s, où même l’échevine à l’urbanisme (Gilson) était hors d’elle par le « manque d’objectifs responsables de l’ULB pour pousser les étudiant.e.s au bon vivre-ensemble ». Loin de nous l’idée de soutenir la politique bourgeoise de gentrification des quartiers populaires d’Ixelles par l’échevine MR, mais il est plaisant de remarquer qu’il n’y a pas que les « gauchos » qui dénoncent les politiques irresponsables de l’ULB en matière de logement étudiant, avec comme seul besoin de se faire passer pour une université qui investit dans la construction de nouveaux logements étudiants, mais à quel prix et sous quelles conditions ?!

Revenons aussi sur comment le processus de construction des logements ULB au 151-153 a voulu conclure les choses en expulsant les occupants du 153, qui étaient des sans-papiers hébergés par l’ULB depuis 4 ans, et comment le délogement de plusieurs cercles étudiants de gauche au 151 a mis fin à ce qui était l’un des derniers lieux sur le campus de l’ULB où il n’y avait pas de restriction paternaliste d’accès par la sécurité, et qui était aussi un carrefour de rencontres humaines, de discussions et de réflexions politiques, et surtout, un lieu de socialisation entre étudiant.e.s. Bref, le 151 était le local syndical de l’Union syndicale étudiante (au 2e étage), qui hébergeait d’autres cercles sans locaux (EGA, JAC, etc.), dont l’occupation avait été permise par la CGSP de l’ULB (syndicat FGTB des travailleur euse.s de l’université) qui elle était au 1er étage. On l’appelait la maison syndicale du Solbosch
La CGSP avait été relogée il y a déjà quelques mois, et les étudiant.e.s syndicalistes ont pu néanmoins avoir un nouveau local au 105 avenue Buyl. Les sans-papiers ont quand à eux été relogés seulement à titre temporaire dans un bâtiment de la commune, à travers une occupation précaire, mais il fallu compter sur le comité ULB de soutien aux sans-papiers pour aller chercher l’humanité des responsables du service Infrastructures de l’ULB. Ceux-ci étaient prêts à les jeter à la rue, sous-couvert d’un nième rapport d’incidence sur le probable effondrement du bâtiment (argument qu’on entend depuis 6 ans). En effet, l’ULB s’était engagée à les reloger en cas de projet de construction de logements étudiants, mais il a fallu le leur rappeler avec insistance. Entre temps, le jour de l’expulsion des sans-papiers du 153, le 7 septembre 2015, l’ULB lança sa collecte pour les réfugiés du Parc Maximilien. Quelle hypocrisie…

Les occupants des 151-153 ont donc été expulsés et relogés, les accès des bâtiments emmurés (suivant le protocole de l’ ULB pour empêcher les occupations de ses propres bâtiments) – rejoignant ainsi les deux autres maisons vides et emmurées sur l’avenue Buyl – et l’ULB se fait passer pour une université solidaire de la condition des migrant.e.s. Dès que les travaux seront terminés, d’ici le mois de décembre 2016, l’ULB se pavanera surement comme ayant réussi à offrir de nouveaux logements étudiants, mais qui ressembleront plutôt à une cage à kots, avec des étudiant.e.s les uns sur les autres pour se partager une seule cuisine, permettant ainsi le plus de profits (une véritable « pompe à fric ») pour la société privée Patrimonia, qui n’hésitera pas à se représenter pour de nouveaux partenariats avec l’ULB.
Il est donc important de relancer la lutte pour des logements étudiants publics et sociaux, ainsi que pour la réquisition des logements vides dans nos villes, afin de ne pas laisser ce genre de politique du logement renforcer le pouvoir du privé dans l’ensemble des services à la collectivité que notre université devrait pouvoir rendre accessibles à tou.te.s. Luttons ensemble, plus que jamais, pour des logements étudiants publics, sociaux et à prix modestes !