Élections du recteur : Ce que la communauté universitaire peut attendre

Élections du recteur : Ce que la communauté universitaire peut attendre

Le 24 février, l'ensemble de la communauté universitaire était invitée a voter pour le nouveau recteur de l'UCL, qui sera élu au terme d'un deuxième tour à la fin du mois de mars. Figure centrale dans les structures de gestion de l'Université et représentant public de celle-ci à l'externe, le recteur est assurément considéré comme un personnage important. Chacun des membres de cette communauté a alors été fortement incité à comparer les programmes des candidats pour choisir le meilleur en connaissance de cause. Mais comparer quoi finalement ? Sur les points essentiels de tous les programmes, les candidats sont d'accord : tous sont pour un refinancement de l'enseignement, tous sont pour la promotion de la réussite des étudiants, tous sont pour une amélioration des conditions de travail, tous sont pour garantir l'excellence de l'UCL au niveau international.

Depuis la participation de l'ensemble des corps de l'université à l'élection de la fonction de recteur (sans pour autant considérer qu'il s'agisse d'élections démocratiques), donc depuis 2009, les candidats au poste se doivent de faire des propositions alléchantes pour chacune des catégories d'électeurs : étudiants, corps académique, scientifique et personnel technique. Mais, conformément à ce qui se fait habituellement en politique, les candidats ont été assez habiles pour formuler des revendications assez vagues et finalement peu engageantes une fois qu'il seront sur le trône de la prestigieuse institution universitaire.

Le gros problème de l'enseignement en Belgique, c'est cette règle de financement en enveloppe fermée qui fait que la répartition des montants se fait en fonction de la proportion d'étudiants par université. Dans le jeu de la concurrence inter-universitaire, l'enjeu est donc de proposer une « offre » permettant d'avoir davantage d'étudiants que les autres Universités. L'atout mis en avant pour l'image de marque de l'UCL dans cette compétition : sa position avantageuse par rapport à d'autres universités francophones dans les rankings internationaux qu'il ne convient pas de remettre en cause de si tôt. On peut d'ailleurs craindre que la promotion d'une excellence scientifique garantie par les candidats-recteurs suivra les lignes définies par les exigences aberrantes de productivité scientifique qui caractérisent ce genre de classements mondiaux.

Mais garantir, toujours selon les termes du marché, une « offre » attirante dans un contexte de croissance constance du nombre d'étudiants et de financements limités s'avère difficile, et les candidats-recteurs en sont bien conscients. Pas de panique toutefois, la précarisation des contrats est un outil idéal pour assurer la prise en charge de l'encadrement des étudiants (sic). Mais maintenant que le recours au contrats d'assistants touche a ses limites, sous l'argument de la promotion de la réussite, la merveilleuse idée des candidats-recteurs est de faire en sorte que les étudiants eux-mêmes contribuent à l'encadrement des étudiants par le « tutorat ». Certains dirons alors que l'Université ne sera pas le pire des employeurs, mais rappelons tout de même que l'objectif d'un enseignement accessible à tous suppose également que les étudiants ne soient pas amenés a devoir « jobber » pour pouvoir étudier dans de bonnes conditions. Ce qu'il faut, c'est garantir a tous les étudiants la possibilité de se consacrer pleinement et exclusivement à leurs études, y compris si cela implique des soutiens financiers.

Mais bien sur, les candidats-recteurs sont également pour un refinancement de l'enseignement. Dans la chasse permanente de financements additionnels, la renégociation de l'enveloppe fermée est naturellement dans l'intérêt des recteurs. Cependant, la garantie d'un enseignement de qualité et accessible a tous ne suppose pas seulement davantage de financements, mais aussi une meilleure répartition de ces derniers ; et sur cette question, le programme des candidats reste muet.

De manière générale, non contents de reproduire le stéréotype de l'homme (aucune candidate au poste de recteur) blanc ayant brillamment réussi sa carrière académique arborant un élégant costume a cravate, les candidats-recteurs assurent la reproduction parfaite d'une institution au service de l'idéologie dominante. Tout en refusant l'ingérence privée dans la gestion des affaires de l'Université, la rhétorique managériale des candidats illustre un pragmatisme techniciste au possible, qui exclu toute critique de l'élitisme propre à l'institution universitaire, de l'organisation de la production scientifique ou des systèmes de classement internationaux.

Dans ces conditions, nous ne nous abstenons pas simplement de désigner un candidat qui (en vertu de la loi du moins pire) serait plus approprié, mais privilégions le boycott de ces élections. Car quelle que soit l'issue de cette campagne électorale, la grande majorité de la communauté universitaire pourra toujours s'attendre à la même chose : à rien.

A quand une Université accessible a tous, de qualité et réellement démocratique ou les femmes ont l'opportunité de briser le plafond de verre qui gangrène nos universités.