Deux semaines d’occupation de rectorat : quel bilan pour le mouvement étudiant ?

Deux semaines d’occupation de rectorat : quel bilan pour le mouvement étudiant ?

Après deux semaines d’occupation, les étudiant-e-s de l’ULB et l’UCL ont accepté de libérer les rectorats en échange d’un accord avec les recteurs. C’est le premier aboutissement d'un an et demi de mobilisation inter-campus.

Celui-ci comprend trois avancées pour les étudiant-e-s hors UE :

  1. Assouplissement du critère de réussite : les étudiants hors UE doivent désormais réussir 75% de leur programme (contre 100% auparavant) pour être considéré en situation de réussite et ainsi, ne plus repayer les frais majorés après leur première inscription.
  2. Élargissement des pays exonérés de droits majorés (835 euros). Pour l’année académique 2017-2018, la liste des «  Least Developed Countries » sera complétée par 11 pays supplémentaires (Côte d’Ivoire, Zimbabwe, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Cameroun, Nigéria, Syrie, Swaziland, Pakistan, Kenya, Ghana, Congo). Cette mesure concerne 25% des étudiant-e-s qui se trouvaient dans la liste initiale des Pays en Voie de développement
  3. Engagement des recteurs à ne pas dépasser le maximum actuel de 4175 € pour les étudiants des autres pays, et ce durant au moins 4 ans.

Plus d’informations dans le communiqué du mouvement

Une victoire… en demi-teinte

Il est important de rappeler que les luttes (étudiantes) ne sont pas toutes synonymes de victoire. Pensons, par exemple, à la lutte de « Sauvez la Plaine » qui, malgré une occupation d’un mois et demi et une forte mobilisation étudiante, n’avait pas permis d’empêcher l’abattage des arbres et la sauvegarde du campus vert de la Plaine.

C’est une victoire en demi-teinte. Même si des avancées concrètes et utiles ont pu être obtenues pour les étudiant-e-s hors UE, notre revendication d’un même minerval pour tou-te-s n’a pas été entendue. De la même façon, nous déplorons le choix des recteurs de n’avoir pas inclu tous les pays hors UE pour l’exonération des frais majorés.

Toutefois, notre victoire – même insatisfaisante – n’est pas à minimiser car elle s’inscrit dans un cadre plus large de victoires contre la marchandisation de l’enseignement et des mesures néo-libérales des universités. Sur le campus de l’ULB, c’est la 3ème victoire que nous arrachons cette année par des luttes : la compagnie de consultance McKinsey a retiré son projet d’installation sur la Plaine, les travailleur-euses de l’ISS ont obtenu de meilleures conditions de travail après 3 jours de grève et nous obtenons aujourd’hui des avancées pour les étudiant-e-s hors UE.
Ces victoires sont aussi le fruit de convergences de lutte sur et hors des campus.

Une mobilisation historique

Cette mobilisation est avant tout une double mobilisation.
Le rectorat de l’UCL n’avait pas été occupé depuis plus de 30 ans. Une double occupation remonte quant à elle à mai 68. C’est en créant une nouvelle solidarité inter-campus et en travaillant conjointement entre étudiant-e-s de l’UCL et de l’ULB que nous avons pu obtenir un meilleur rapport de force.

Cette mobilisation avait d’inédit que les gens vivaient et dormaient sur place. Cela a permis à des personnes issues de milieux militants différents, mais aussi entre militant-e-s chevroné-e-s et nouveaux venu-e-s dans la lutte, de se cotoyer. Cette proximité a permis de créer un nouveau réseau, de créer de la solidarité entre nous. Plus nous sommes uni-e-s et solidaires, plus nous sommes fort-e-s face aux autorités.

Cette occupation a aussi été le lieu de foisonnement politique et d’éducation populaire. Il y a eu un réel transfert de savoir idéologique (par des formations) et de transfert de savoir-faire (création d’affiches, de tracts, de banderoles, de visuels).
Par exemple, nous avions invité notre camarade, Maxime Fontaine, économiste et syndicaliste CGSP-ULB à venir nous donner une formation sur la marchandisation de l’enseignement.

Une perspective pour les luttes à venir

L’USE se réjouit d’avoir pu participé et encouragé le fonctionnement d’un mouvement horizontale, où toutes les décisions se prennent en Assemblée générale.

De la même façon, nous sommes fier-ères d’avoir pris à part à un mouvement qui n’a pas hésité à utiliser des moyens d’action plus forts et plus efficaces comme le blocage et l’occupation sur la longue durée. C’est en accentuant le rapport de force que nous pourrons obtenir le plus d’acquis pour les étudiant-e-s et le mouvement social en général.
En effet, ni une manifestation de 200 personnes, ni une carte blanche signée par 150 personnes issus du corps académique et de la société civile et associative n’avait fait bouger les recteurs.
La représentation étudiante officielle a montré ses limites, c’est par les actions et la mobilisation que nous pourrons changer les choses et instaurer un rapport de force.

Notre action radicale a aussi permis un relais fort dans les médias et dans la société civile. Une des grandes victoires de ce mouvement a été de mettre dans le débat public la question du minerval des étudiant-e-s hors UE. Dès lors, de nombreuses associations, cercles étudiant-e-s, académiques ont été obligés de prendre position sur cette question. Notre combat a dépassé largement le seul cadre étudiant et nous avons des soutiens tel le MRAX ou la FGTB, pour ne citer qu’eux. Plus largement, c’est la question du coût des études, du refinancement de l’enseignement et de la solidarité avec les étrangers-ères qui a été mis sur la place publique.

Le mouvement a démontré toute sa force par son intelligence. Nous le disons sans détour, nous connaissons mieux le dossier qu’Yvon Englert et Vincent Blondel. Nous connaissons les chiffres et nous avons une expérience de terrain. Nous savons que notre lutte est juste et nous savons que c’est un combat idéologique qui s’est mené. Nous l’avons dit et nous le répéterons que les étudiant-e-s hors UE ne creusent pas le budget de l’Université.

Le mode de fonctionnement horizontal, la convergence avec les autres luttes ( encore merci aux travailleurs-euses de l’ISS pour les croissants ! ) et le mode d’action radical donnent de l’espoir pour les luttes à venir contre la marchandisation de l’enseignement et ses politiques néo-libérales et managériales.

Plus que jamais, pour arracher des acquis, nous revendiquons un syndicalisme de lutte, de classe et autogestionnaire !