D’Amsterdam à Strasbourg, la répression partout !

D’Amsterdam à Strasbourg, la répression partout !

Par Thibault S., étudiant à l’ULB[1].

La semaine dernière, les policiers anti-émeutes débarquaient sur le campus de l’Université du Québec À Montréal (UQAM) et arrêtaient des grévistes – ils ont depuis été applaudis par le gouvernement et la presse qui ont plus peur de vingt étudiants masqués que d’une pluie de matraques. Ces derniers jours, ce sont les étudiants néerlandais et français qui ont souffert de la répression policière.

Aux Pays-Bas, des étudiants et des professeurs réunis au sein du collectif de la « Nouvelle Université » occupaient depuis plusieurs mois l’Université d’Amsterdam (UvA). Ils luttaient au départ contre la réforme de la faculté des Sciences Humaines et la marchandisation de l’enseignement qui la sous-tendait. Mais leur mouvement s’était ensuite élargi. Expulsés une première fois dans la violence le 24 février, ils avaient profité d’une large vague de soutien et s’étaient réinstallés dans le Maagdenhuis, le siège de l’université. Depuis lors, l’occupation s’était transformée en véritable chaudron de créativité sociale.

C’était, bien sûr, sans compter sur les autorités l’UvA. Malgré la solidarité de nombreux citoyens et associations néerlandaises, malgré le support affiché par de grands intellectuels comme Judith Butler, Noam Chomsky, David Gaeber, David Harvey, Jacques Rancière ou Saskia Sassen, la police est à nouveau intervenue, ce samedi 11 avril, pour déloger les étudiants. Neuf personnes auraient été arrêtées. C’est d’autant plus absurde que l’occupation devait se terminer la semaine suivante et qu’un « Festival des Sciences Humaines » devait se tenir ce week-end. L’UvA n’a peut-être jamais autant rayonné intellectuellement qu’avec cette expérimentation par des étudiants, des professeurs et des citoyens d’une « Nouvelle Université ». Comme la mode le requiert par les temps qui courent, les autorités ont préféré la matraque à la démocratie, l’expulsion à la discussion.

En France, la violence est demeurée théorique mais c’est sur la peur d’une intervention de la police que s’est jouée la fin de l’occupation d’un bâtiment de l’Université de Strasbourg (UDS). Cette fois, c’est pour protester contre la loi Macron qu’une Assemblée Générale a voté la réappropriation symbolique de l’université. Les étudiants étaient pacifiques mais la direction, d’abord conciliante, leur a intimé de vider les lieux avant la nuit, sinon elle appellerait la police. Des gendarmes se sont déplacés pour mettre la pression sur les étudiants et les menacer d’une expulsion manu militari. L’assemblée a finalement voté la fin de l’occupation.

Dans le cas de Strasbourg, c’est l’intimidation qui a fonctionné. Comment en vouloir à des étudiants de reculer face au spectre de la violence d’État ? Bien sûr, c’est en restant droit face à cette violence, quitte à la subir, qu’on arrive à dissiper la peur et faire perdre de son pouvoir à la matraque, mais le jeu en valait-il ici la chandelle ? Je ne pense pas. Il s’agissait d’une occupation de solidarité contre une politique économique du gouvernement, elle ne se basait pas sur une attaque directe des étudiants – elle n’en était pas moins légitime, seulement moins vitale. Ce qu’il faut retenir, c’est que les dirigeants universitaires n’ont plus aucun complexe à utiliser la force et les escouades de police pour faire régner l’ordre sur les campus.

Toute forme d’engagement concret, à l’UQAM, à l’UvA, à l’UDS et même ici, en Belgique, à l’ULB, est récompensée par les coups, les cartouches de gaz lacrymogènes et les chiens policiers. Nous n’assistons pas à une accumulation de faits anecdotiques et sans rapport mais bien à une méthode de répression partagée. Les autorités universitaires et les recteurs, du haut de leurs tours d’ivoire académiques, lâchent toute la fureur de la violence policière contre leurs étudiants ou menacent de le faire.

Comment pourrait-il en être autrement ? Le modèle de l’université-communauté, où les étudiants peuvent et doivent s’emparer de l’espace public et où les débats politiques sont les moteurs de la construction du savoir, est en train d’être détruit. On lui préfère l’université-entreprise, l’étudiant-client et le savoir-marchandise. Et les étudiants ne possèdent pas de puissants syndicats pour calmer l’ardeur des jongleurs de matraques. Ils sont des cibles faciles : dénigrés dans les médias, considérés comme des privilégiés, souvent peu formés à la désobéissance civile et aux méthodes de défense populaire.

Les autorités universitaires ne suivront désormais plus qu’une seule politique face aux contestataires, étudiants ou non : l’étouffement. Contre cette attitude, qui a jeté aux orties la liberté, l’égalité et l’esprit critique, nous devons réagir. Contre l’alliance de facto des recteurs-policiers à travers le monde, nous devons nous unir. C’est seulement si nous arrivons à démonter le processus de la violence et ses ramifications, à exposer à lumière le soubassement de la répression, qui est toujours la domination économique d’une minorité sur la majorité, que nous pourrons vaincre. La matraque est le bras armé de l’austérité ; l’université est en train de devenir son plus grand allié, sa fabrique de servitude volontaire.

Étudiantes, étudiants, unissons-nous, soutenons-nous les uns les autres et apprenons à lutter ensemble contre la répression et la violence pseudo-légitime. La réaction des autorités est une défaite de l’intelligence, elle démontre à quel point elles sont démunies et incapables de justifier leurs réformes égoïstes et destructrices. Appuyons là où ça fait mal et jouons le jeu de la démocratie, de cette démocratie qui leur fait si peur. Le mouvement étudiant international doit procéder comme une Grande Solidarité ; chaque fois que la répression s’abattra sur l’une de ses branches, les autres réagiront. À l’union des matraqueurs, opposons l’union des inventeurs, inventeurs d’une nouvelle université, d’une nouvelle démocratie et d’un nouveau monde. Montrons leur que le futur nous appartient et qu’ils ne nous le voleront pas !

Sur les occupations d’Amsterdam on peut lire ce billet de Matthieu Foucher qui s’arrête avant l’expulsion de samedi et sur Strasbourg on peut lire ce reportage de Durga dans La Feuille de Chou très bien documenté et garni de beaux clichés.


  1. Les articles de la catégorie « Billet d’humeur » n’engagent que leurs auteurs et ne sont pas des déclarations publiques, officielles et collectives, de l’Union syndicale étudiante. L’Union syndicale étudiante diffuse sur son site l’avis d’étudiants militants qui souhaitent susciter des débats au sein de la gauche étudiante, à l’intérieur autant qu’à l’extérieur de l’USE. ↩︎