Quand les étudiant.e.s savent se mobiliser jusqu’au bout pour défendre leurs droits !

Quand les étudiant.e.s savent se mobiliser jusqu’au bout pour défendre leurs droits !

Témoignage de Zomruzi, étudiant à l'ULB[1].

L’EOS (Ecole Ouvrière Supérieur), rattachée à l’HELB Ilya Prigogine (Haute-Ecole Libre de Bruxelles), a connu vers la fin du mois de septembre 2014, un mouvement de grève de quatre jours. Même si cela remonte à plusieurs mois maintenant, il me semblait néanmoins important de revenir sur cet événement en ce début d’année 2015, car ce billet pourrait permettre plus d’une réflexion à ceux qui estiment que la grève ne sert à rien, ou qu’elle n’apporte rien aux étudiant.e.s. Propos qu’on a souvent entendu lors du mouvement de grèves de cet automne, où les universités et les établissements scolaires étaient également impliqués. Je voulais donc revenir sur cette grève étudiante afin de montrer l’exemple d’une lutte étudiante solidaire et combative.

En effet, les étudiant.e.s de l’EOS dans la catégorie sociale (formation d’assistants sociaux) avaient décidé de se mettre en grève dès le lundi 24 septembre, pour protester contre l’irrégularité de leur évaluation lors d’un examen de deuxième session, où l’échec avait atteint plus de 90%. Le professeur l’avait décrit comme étant une «punition collective», assumant délibérément sa volonté de faire échouer le plus d’étudiant.e.s possible (il faut croire que, pour le coup, il a bien réussi). L’examen en question comportait un QCM à points négatifs, et le jour de l’examen, le professeur annonça que la cotation des points négatifs passait de -0,25 à -0,50… Quelle fut la réaction des étudiant.e.s ? Une grande partie d’entre eux se mobilisèrent collectivement pour protester contre cet arbitraire, et cela via l’action d’une grève étudiante !

Face au mépris et à l’arbitraire, les étudiant.e.s ne se sont pas laissé.e.s faire !

Une vingtaine d’étudiant.e.s avaient d’abord introduit un recours au près de la direction de l’école, pour contester l’évaluation de l’examen. Pendant deux semaines, on les intimidait honteusement, afin de les décourager à poursuivre leur recours. Ainsi, nombreux sont ceux qui furent convoqués individuellement dans les bureaux de professeurs, voire parfois même du président de jury de délibération, afin d’être mis sous pression pour ne pas maintenir leur recours. Cette manière de faire n’illustre que très légèrement l’impunité totale dont se pavanait la direction de l’EOS, et certains de ses professeurs. Le fait le plus choquant et tout à fait illégal fut de ne pas avoir voulu montrer les copies aux étudiant.e.s qui le souhaitaient, et qui ont dû insister pour avoir ce droit de regard.

La direction de l’EOS ne prit pas du tout position en faveur de ses étudiant.e.s, préférant soutenir le professeur, tout en voulant étouffer l’affaire au plus vite. Le professeur mis en cause avait déjà été forcé auparavant par le Conseil d’administration de l’HELB de faire un examen écrit. En effet, un groupe d’étudiant.e.s avait demandé à ne plus devoir passer d’oraux avec lui, car il se permettait parfois d’être l’auteur de discriminations, d’intimidations et d’humiliations envers ses étudiant.e.s...

Face à cette situation, et à la lenteur de la procédure des recours internes (finalement acceptés), les étudiant.e.s décidèrent de marquer le coup, et de mettre à leur tour la direction sous pression. Ils débutèrent donc une grève étudiante, préparée par un petit groupe, mais qui rallia rapidement la grande majorité des étudiant.e.s de l’EOS en catégorie sociale. Dès le premier jour de grève, plusieurs assemblées eurent lieu, et les étudiant.e.s décidaient ensemble de leurs revendications. Toutes et tous étaient concernés par l’échec de plus 90%, et avaient ressenti la même injustice. La grève fut d’abord suivie par les 2e et 3e années, puis les 1re la rallièrent par solidarité !

Le mouvement exigeait tout d’abord la reconnaissance du vice de forme lors de l’examen, et donc de l’obtention d’une cote administrative (10 ou 12 sur 20) pour tou.te.s les étudiant.e.s concerné.e.s. La « cause » était également celle du respect pur et simple de leurs droits ! Au fil des jours, ils élargirent leurs revendications comme celles de l’instauration d’un règlement des examens (inexistant à l’EOS), du respect du projet pédagoique ou de l’accès à des syllabi dans des délais corrects. La direction ne voulut ni prendre en compte l’indignation et la contestation des étudiant.e.s, ni entendre leurs revendications. Face à ce mépris, ce ne fut pas un, mais plusieurs jours de grève qui furent entamés, avec la tenue de piquets tous les matins !

Des étudiant.e.s déterminé.e.s, prêt.e.s à ne rien lâcher !

L’Union Syndicale Etudiante fut d’abord appelée à l’aide pour soutenir cette lutte, et s’est surtout montrée par la suite le soutien le plus ferme envers les étudiants grévistes. Tous les matins, les militant.e.s étaient présent.e.s sur le piquet avec les étudiant.e.s de l’EOS pour faire respecter leurs droits !

La FEF quant à elle, n’étant pas sur son terrain, vu que le conseil étudiant de l’HELB était affilié à l’UNECOF (l’autre ORC – organisation représentative communautaire – connue pour son absentéisme au niveau des luttes étudiantes), eut néanmoins un comportement très étrange… L’USE n’étant pas une ORC, mais un syndicat étudiant de lutte, collabore souvent avec la FEF. Pourtant, lors de ce mouvement de grève, nos militant.e.s ont eu la nette impression que la FEF voulait avant tout dénaturer le mouvement de son esprit de grève, mouvement pourtant à l’initiative des étudiant.e.s concerné.e.s. Ensuite, il nous semblait qu’une de leurs seules priorités était d’investir le conseil étudiant, tout en voulant prendre les commandes du mouvement qui s’organisait, heureusement, en assemblées générales. Au lieu d’apporter un soutien clair, la FEF ne fit qu’amener des confusions au sein des prises de décision aux AG, ce qui n’affecta pas, malgré tout, la détermination des étudiant.e.s à continuer leur lutte.

Une des spécificités des étudiant.e.s de l’EOS est qu’ils proviennent toutes et tous en grande partie de milieux socialement défavorisés. L’EOS est par ailleurs le seul institut d’enseignement supérieur francophone auquel on peut s’inscrire sans avoir de diplôme d’études secondaires. C’est pourquoi l’opposition au mouvement de grève venant de la direction et de la plupart des professeurs pouvait sembler assez paradoxale, pour une école dite de « gauche ». L’EOS fut en effet fondée par le POB – Parti ouvrier Belge – ancêtre très lointain du PS d’aujourd’hui, afin de permettre aux ouvriers d’avoir des cours du soir. Et bien ces mêmes professeurs de l’EOS qui se réfèrent souvent à Marx pendant leurs cours, dont certains sont proches du Mouvement communiste (MC), groupuscule sectaire d’extrême-gauche, dans les faits, ces chers « révolutionnaires » avaient bel et bien le discours de la FEB – Fédération des Entreprises de Belgique – en venant forcer les piquets des étudiant.e.s grévistes estimant qu’on « ne pouvait pas les empêcher d’aller travailler et de donner cours ». Ils ont pu montrer via cette attitude toute leur hypocrisie par rapport au discours qu’ils peuvent tenir d’habitude.

L’USE et les étudiant.e.s grévistes de l’EOS ont étonnamment aussi dû faire face à la critique de certain.e.s militant.e.s d’autres organisations de gauche (comme les Jeunes Anticapitalistes) ou même des étudiant.e.s de l’EOS (actuel.le.s ou ancien.ne.s) soutenir le professeur qui était au centre de la contestation des étudiant.e.s grévistes, voulant le défendre à tout prix car c’est un « marxiste » et un « bon professeur», réduisant le mouvement de contestation à un simple caprice alors que la « cause » était celle du respects des droits étudiants.

La grève des étudiant.e.s de l’EOS eut une percée médiatique importante (on en parla même au parlement de la FWB, et Marcourt dut bel et bien prendre position – en faveur des étudiant.e.s), et réussit à mener à bout la direction, jusqu’à ce que celle-ci finisse par délibérer à nouveau tou.te.s les étudiant.e.s en les évaluant sur base du -0,25 au QCM négatif. Cela fit réussir un nombre important d’étudiant.e.s, même si quelques-un.e.s restèrent sur le carreau par rapport à cette solution. La victoire la plus importante fut que le climat de terreur et d’arbitraire qui régnait à l’EOS est désormais dénoncé et a été vaincu, du moins pour cette fois-ci, et que tout au long du mouvement de grève, la peur était dans l’autre camp.

Aussi, le plus impressionnant dans cette lutte fut la maturation que les étudiant.e.s ont connu en l’espace de 4 jours pendant leur mouvement de grève ; que ce soit leur prise de conscience de l’irrespect permanent de leurs droits, l’élaboration de revendications lors des AG (sur base de leur vécus communs), la solidarité accrue entre ceux qui avaient réussi cet examen et les autres qui étaient biaisés. Voir des étudiant.e.s tenir des piquets, investir massivement des cours pour protester contre la tenue de ceux-ci avec seulement quelques étudiant.e.s, leur parler pour les convaincre à rejoindre la cause… Voilà à quoi ressemble un véritable rapport de force qui vise à défendre les droits étudiants et obtenir de nouveaux acquis !

Comme l’a dit une étudiante, désormais déléguée de l’USE à l’EOS : « Un étudiant ne sait pas revendiquer tout seul ses droits s'ils sont écrasés par une hiérarchie pesante. Chacun de nous peut à un moment donné être confronté à des injustices et nous ne pouvons pas toujours y faire face individuellement. Par contre, si nous luttons ensemble de manière solidaire et collective, tous nos droits seront respectés et nous pourrons en obtenir davantage. »


  1. Les articles de la catégorie « Billet d’humeur » n’engagent que leurs auteurs et ne sont pas des déclarations publiques, officielles et collectives, de l’Union syndicale étudiante. L’Union syndicale étudiante diffuse sur son site l’avis d’étudiants militants qui souhaitent susciter des débats au sein de la gauche étudiante, à l’intérieur autant qu’à l’extérieur de l’USE. ↩︎