Contre-révolution de salon à l'ULB
Par Nico - Paru dans Luttes étudiantes n°0 - Septembre 2013
La gouvernance à l’assaut de la démocratie.
Le 17 juin dernier, le Conseil d’Administration (CA) de l’Université Libre de Bruxelles (ULB) adoptait le projet de réforme des statuts de l’Université tel que proposé dans «la phase II du rapport du groupe de travail sur la gouvernance de l’Université». Retour sur cette reforme qui concernera toute la communauté universitaire mais qui s’est pourtant fait dans une absence totale de consultation des étudiants…
Ce groupe de travail qui entend pourtant mettre l’accent sur la démocratie au sein de l’ULB, ne s’est pas adressé directement aux étudiants sur les problèmes structurels qu’ils rencontrent à l’Université. Un mail a bien été envoyé aux étudiants le 26 mai 2012 afin de les consulter sur le nombre maximum de vice-recteurs, un sujet bien éloigné des préoccupations réelles des étudiants de l’ULB, une question secondaire au regard des axes de réformes avancés par le groupe de travail dont le mail ne fait pourtant pas mention.
De même, le rapport du GT sur la gouvernance est resté confidentiel et a été dévoilé uniquement aux administrateurs qu’au CA du 22 avril 2013, ce qui ne laisse qu’une semaine aux étudiants et aux autres corps pour en prendre connaissance. Un délai bien trop court pour qu’un réel débat démocratique puisse avoir lieu au sein de notre Alma Mater.
La démocratie en danger, un retour sur les acquis de mai 68!
Au niveau des axes de réformes proposés, ce n’est ni plus ni moins qu’un retour au mode de gouvernance d’avant Mai 68. En effet, en divisant l’actuel Conseil d’Administration en deux organes distincts, un CA disposant des prérogatives de gestion et un Conseil Académique (CoA) responsable de la politique académique, le recteur concentrera les pouvoirs autour de sa personne. Dans les faits, le CoA sera dominé par le corps académique dont on connaît l’allégeance historique envers le recteur, permettant à ce dernier de mener des réformes contraires aux intérêts des étudiants et des corps minoritaires (le personnel administratif et technique et scientifique). .
Une autre conséquence néfaste de la scission du CA consistera - de l’aveu même du GT gouvernance - en une séparation nette entre la gestion de l’université et la politique académique, rendant par la même tout débat global impossible. On sait pourtant que de nombreux dossiers relèvent tant de la gestion que de l’académique. Cette mesure risque de porter atteinte aux intérêts des étudiants et plus largement à l’ensemble de la Communauté universitaire.
Si en mai 68, l’Assemblée Libre avait voulu remettre le pouvoir réelle au sein du Conseil d’Administration élu démocratiquement, la réforme voulue par les autorités de l’ULB dépossédera les élus de leur pouvoir au profit du Comité exécutif, dominé par le Recteur.
La critique du dysfonctionnement de la démocratie à l’ULB est pourtant discutable. La démocratie représentative demande du temps et de la concertation. Des impératifs que les autorités de l’ULB semblent ne plus vouloir respecter, puisque sous prétexte de réformer un mode de gestion démocratique imparfait, c’est bien un diktat gestionnaire et managérial qui est en marche au dépend de la démocratie. La création d’un poste de Directeur Général n’est qu’un autre symbole du refus de la gestion collégiale de l’université, en l’occurrence de l’administration.
Décentraliser pour mieux gérer?
Selon le rapport du GT gouvernance, un problème majeur dans la gestion de l’Université est le poids démesuré de la centralisation. Pourtant, il apparaît que l’ULB est déjà l’une des universités les plus décentralisées de la Fédération Wallonie-Bruxelles. La décentralisation selon le principe de subsidiarité en faveur des facultés cache donc mal une manœuvre managériale. Cette volonté de gérer l’université en gestionnaire et non pas en tant qu’acteur est sans cesse réaffirmé tout au long du rapport sur la gouvernance, proposant même des avantages aux étudiants administrateurs (aménagements d’horaire, «bonus» pour une destination Erasmus) dont la seule satisfaction devrait être d’agir pour le bien commun.
En effet, en court-circuitant les prérogatives jusqu’alors imparties au CA, le but est de renvoyer dans les facultés la politique managériale, où ces mesures passeront d’autant plus facilement que les rapports de forces y sont morcelés. Selon une logique de concurrence interfacultaire, les travailleurs administratifs, les chercheurs et les professeurs, n’échapperont pas aux mesures de flexibilité (en réduisant par exemple les effectifs ou en restructurant), et chaque faculté pourra décider comme elle l’entend de la politique académique ainsi que des partenariats extérieurs avec le privé au dépend de la qualité de l’enseignement, de la recherche et du travail. Faut-il rappeler que ces dernières années tous les projets impulsés du haut vers le bas et élaborés par des experts se sont avérés être de cuisant échecs pour l’ULB_? Comme ce fut le cas pour le Projet Smiley qui dilapida du temps et de l’argent dont l’université a tant besoin pour les services sociaux, l’enseignement et la recherche!
Il apparaît donc de manière évidente que le projet de réforme de la gouvernance n’a d’autre but que d’accroître le processus déjà entamé qui entend aligner l’université sur le modèle de l’entreprise privé en appliquant des méthodes managériales chères à l’idéologie néolibérale. Il faut pourtant rappeler qu’une université n’est pas une entreprise et qu’il ne peut y avoir d’enseignement public digne de ce nom lorsque les impératifs sont dictés par l’économie. Nul doute qu’avec un Président du CA qui sera recruté (dans un futur proche) à l’extérieur de l’ULB, cette tendance ne pourra que s’accroître. C’est pourquoi, il est important que tous les corps composant l’Université s’unissent afin de s’opposer à cette réforme qui déstructurera les moyens de remplir les missions de l’Université. Si en juin dernier les autorités ont déjà tenté de passer outre l’opposition au projet, tout n’est pour autant pas perdu. La modification des statuts de l’ULB (qui s’est faite cet été) doit elle aussi être votée au CA, et ce n’est qu’à partir de là que la réforme sera entérinée dans sa totalité. Si nous parvenons à nous mobiliser, septembre s’annoncera comme le premier mois d’une longue opposition…