Lancement d’un certificat d’engagement citoyen : quelle vision de l’engagement nous propose l’ULB ?

En février, nous avons reçu un mail d’ULB Engagée nous informant du lancement d’un certificat d’engagement citoyen (CECi). Voici quelques réflexions concernant ce certificat...

En février, nous avons reçu un mail d’ULB Engagée nous informant du lancement d’un certificat d’engagement citoyen (CECi). Ce certificat, qui a pour but de « valoriser l’engagement citoyen », aboutit à l’obtention de 10 crédits universitaires extracurriculaires. Il est composé de cours théoriques sur l’engagement, d’un stage à effectuer dans une ONG, et de rencontres avec des « personnes inspirantes » et d’autres étudiant-es inscrit-es à CECi. Si nous ne doutons pas que l’intention derrière le lancement de ce certificat est réellement de soutenir les étudiant-es, nous trouvons tout de même important de souligner plusieurs aspects nous paraissant problématiques, voire dangereux, concernant « l’engagement citoyen ».

L’un des objectifs affichés pour promouvoir CECi est que celui-ci permettra d’apporter « une vraie plus-value aux étudiant-es engagé-es ». Cette plus-value est « matérialisée » en 10 crédits universitaires, qui n’auront donc de valeur qu’inscrits sur un CV. Cela nous interroge sur la manière dont l’engagement est perçu par l’ULB, qui nous apparait ici plus comme une manière de s’insérer sur le marché du travail que d’un engagement régit par la volonté d’obtenir des droits et de lutter contre l’exploitation et les discriminations.

Ensuite, il y a de forts risques que CECi entérine des inégalités de classe déjà existantes à l’université et dans le milieu « engagé ». Le stage de 150h à réaliser est une fois de plus un stage quasiment non-rémunéré (des bourses de 600€ sont disponibles pour les personnes s’inscrivant à CECi, ce qui fait une rémunération de 4€/heure sans compter les cours et l’investissement nécessaire autour du stage). Cela crée des barrières financières pour les étudiant-es précaires et jobistes qui ne peuvent pas se permettre de travailler quasiment gratuitement, et du même coup favorise les étudiant-es qui ont déjà le temps et l’argent nécessaire pour se permettre de militer. On pourrait nous répondre que ces mécanismes sont déjà présents dans le milieu militant (surtout étudiant, ce avec quoi nous sommes d’accord), mais ce n’est pas une raison pour renforcer ces inégalités.

La question de la formation proposée par CECi doit également être soulevée. Avec des cours dont certains intitulés ressemblent plus à ce qu’on retrouve dans le monde du marketing et des start-up plongé dans le langage néolibéral (« innover face aux problèmes », « utiliser le storytelling », « découvrir l’assertivité pour donner et recevoir du feedback », etc), nous nous demandons dans quelle mesure cette formation est adaptée aux réalités de l’engagement tel que nous le connaissons sur le terrain. De plus, nous nous questionnons sur la légitimité de celles et ceux qui dispenseront ces cours, des « expert-es » selon l’ULB, mais qui ne sont nommés nulle part et dont la formation n’est pas connue.

Enfin, il y a la question de ce qui va être considéré comme une cause ou non. L’engagement dans des organisations ou mouvements d’extrême droite sera-t-il accepté ? Chez la droite aussi (dont les politiques économiques tuent et renforcent les inégalités) ? Si une limite est fixée, qui la fixe et sous quels critères ?

Nous le répétons, notre objectif ici n’est pas d’attaquer personnellement les acteur-trices à l’initiative de CECi. Cependant, nous tenons à pointer du doigt certains aspects avec lesquels nous sommes fortement en désaccord. La vision de l’engagement comme perspective de carrière, le travail quasi gratuit, et la néo-libéralisation des luttes nous apparaissent comme dangereux si l’on veut rester dans la perspective critique à laquelle l’ULB tient tant.

Si l’on veut réellement soutenir l’engagement étudiant, nous pensons qu’il y d’autres manières de le faire. Soulignons par exemple le travail effectué depuis plusieurs années par l’Association Inter-Cercles, qui a dû se battre pour donner plus de moyens et de visibilité aux cercles politiques et culturels à l’ULB. Les revendications portées depuis longtemps par les organisations étudiantes concernant l’Enseignement supérieur et la lutte contre les inégalités et les violences discriminantes pourraient également être soutenues par les autorités universitaires, au lieu de devoir porter seul-es des combats longs et fastidieux devant lesquels l’ULB fait souvent la sourde oreille.