McKinsey à la tête de l’U(L)B

McKinsey à la tête de l’U(L)B

« Il apparait donc de manière évidente que le projet de réforme de la gouvernance n’a d’autre but que d’accroitre le processus déjà entamé qui entend aligner l’université sur le modèle de l’entreprise privé en appliquant des méthodes managériales chères à l’idéologie néolibérale. Il faut pourtant rappeler qu’une université n’est pas une entreprise et qu’il ne peut y avoir d’enseignement public digne de ce nom lorsque les impératifs sont dictés par l’économie. Nul doute qu’avec un Président du CA qui sera recruté (dans un futur proche) à l’extérieur de l’ULB, cette tendance ne pourra que s’accroitre. »[1]

C’est par ce constat que nous concluions un article sur la réforme de la gouvernance écrit fin 2013. Après 2 années et demi de mise en place de la réforme et de débâcles au sein de l’université, nous voilà arrivés au moment où la gouvernance s’applique pour de bon avec notamment l’élection du nouveau président du Conseil d’Administration (qui ne s’occupe donc normalement plus des affaires académiques). Nous nous attendions à ce qu’une personne du privé soit désignée mais nous frôlons ici la caricature. Ainsi, le gestionnaire qui fera office de président est Pierre Gurdjian, un ancien consultant de chez McKinsey, le numéro un des bureaux de consultance, rien de moins.

Notre consultant a eu droit à un article élogieux dans la presse[1:1], celui-ci nous permet de mieux cerner le personnage. Selon l’auteure, il est « Passionné de philosophie, fervent défenseur du capital humain, Pierre Gurdjian n’a pas le profil caricatural du consultant obsédé par les chiffres et les résultats. Très loin de là. » Cependant, en creusant un peu, on apprend notamment dans cet article qu’il a été placé à son poste de manière discrétionnaire par les autorités (dont il était déjà conseiller), un encadré affirme par ailleurs qu’il a pour souhait de tenir compte des rankings dans sa gestion avec tout ce que cela implique au niveau de la marchandisation de l’enseignement.

À la lumière de ce qui se fait dans les autres services publics tels que la SNCB, des top-managers sont nommés à la direction, rien d’étonnant puisque ce genre de procédé s’inscrit dans la droite ligne de la gestion néo-libérale du secteur public. Sans surprise, le consultant[1:2] nous promet de « moderniser » l’ULB, pour ceux qui ne seraient pas encore familiers avec la novlangue, entendez par là le fait d’appliquer des mesures néo-libérales.

Pour se rendre compte de la vision qui anime Pierre Gudjian, il suffit de s’intéresser aux entrevues qu’il a données[1:3]. Le consultant nous explique que le fait d’exercer au sein de projets différents est une manière de se ressourcer pour ensuite revenir plus fort dans l’entreprise originelle, cette présidence ne s’inscrit donc aucunement dans une démarche philanthropique comme il l’explique mais c’est vu pour lui comme une étape dans son parcours de bon directeur moderne. Dans la même entrevue, il nous explique ce qu’il entend par « mettre l’accent sur le capital humain » comme il promet de le faire pour l’ULB : supprimer les barrières entre vie professionnelle et vie privée, pas de réelle carrière mais travail par projet, plus d’exigence, etc. En bref, les chercheuses et chercheurs, déjà précarisé.e.s, subiront de nouvelles attaques.

La nomination de ce personnage, avec toute la symbolique qu’elle implique et la gestion perverse qu’elle semble augurer, éloigne encore un peu plus l’université d’un enseignement public, critique, populaire et de qualité tel que nous le défendons. L’USE attend donc de pied ferme les propositions du consultant.


  1. Crédit photo : France Dubois. ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎