Communiqué - Pour un mouvement étudiant inclusif!
Le lundi 22 février 2021 nous avons organisé un rassemblement à l’ULB pour protester contre l’isolement et la précarité. En effet, la détresse psychologique à laquelle les étudiant-e-s font face depuis le début de la crise du covid-19, et la précarité grandissante due au manque de moyens alloués à l’enseignement supérieur et à la perte de nombreux jobs étudiants ont eu des effets désastreux sur la situation de nombreuses personnes, notamment les étudiant-e-s déjà fragilisé-e-s avant cette crise. Ce rassemblement a été l’un des plus massif de ces dernières années sur le campus, en mobilisant plus de 500 personnes, et donnant suite à un second événement le lundi suivant. Une assemblée générale de 150 personnes fut organisée, et donna naissance au mouvement Jeunesse en Lutte, avec une extension des revendications et une volonté de se lier aux autres mouvements contestataires du moment (Still Standing for Culture, la Santé en Lutte, la lutte pour la régularisation des sans-papiers, la lutte contre les violences policières et contre la pauvreté en général,...).
Nous avons toutefois décidé de quitter Jeunesse en Lutte. En cause : des problèmes répétés de la part d’une organisation et de ses membres. Voici un bref historique du mouvement, et nos explications.
Le 18 mars, lors d’une assemblée générale à l’ULB, des personnes appartenant principalement au groupe des étudiants de gauche actifs (EGA) ont montré des réticences à la création d’un groupe en non-mixité racisée à la suite d’un problème d’inclusion soulevé (Jeunesse en lutte étant effectivement majoritairement composée de personnes blanches). Dans un premier temps, iels ont d’abord mis en doute la nécessité et la pertinence de ce groupe, et ont demandé quel serait le pouvoir de décision des personnes blanches dessus. Certaines personnes ont tenté de leur expliquer pourquoi questionner la nécessité et la pertinence de ce groupe et la demande d’un pouvoir décisionnel en tant que blanc-he-s sur un groupe de travail (GT) de personnes racisées est problématique.
- Aucun des GT mis en place n’avait été remis en question jusque là.
- Si ce GT en non-mixité racisée a été créé c’est pour qu’il règle les problèmes de non-inclusivité LES concernant. Le fait que des blanc-he-s cherchent à introduire des personnes racisées dans un mouvement qu’iels ont créé fait très “sauveur blanc”, surtout que les blanc-he-s sont poussé-e-s par le système à perpétuer des comportements racistes et à ne pas comprendre l’ampleur du racisme systémique. Montrer une réticence à la création de ce GT était donc très déplacé.
- Demander quel pouvoir les personnes non-racisées avaient sur ce GT est aussi problématique pour les mêmes raisons que le point précédent, s’il n’est qu’en plus il instaure un climat de méfiance envers les décisions de ce GT (qui ne visaient qu’à rendre ce mouvement moins exclusif).
Après que tout cela ait été mis au clair, les personnes ayant tenu des propos “maladroits” mais déplacés ont haussé le ton en prônant l’argument du “séparatisme” et de la division des luttes, et s’obstinèrent à vouloir tracter dans des quartiers populaires afin de “résoudre” ce problème d’inclusivité. Traduction : des personnes blanches vont se rendre dans des quartiers défavorisés afin de montrer aux personnes racisées et précaires (qui, par ailleurs, ne se trouvent pas toutes dans ces quartiers) qu’iels devraient rejoindre ces rassemblements (comme si les personnes non-concernées savaient mieux que les concernées comment celles-ci devaient lutter contre leurs oppressions).
À un moment, les personnes concernées étaient tellement choquées par les propos tenus qu’elles ne voulaient plus débattre et ont refusé catégoriquement de poursuivre cette discussion violente. EGA ne semblait pas s’en soucier et continuait de répéter les mêmes propos problématiques en boucle. Les personnes racisées, blessées et agressées par ces paroles et ces actes, sont parties en plein milieu de l’AG. EGA ne s’en est jamais excusé, que ce soit en privé ou publiquement.
EGA a ensuite continué de remuer le couteau dans la plaie avec des messages sur le groupe facebook de JEL, en continuant à débattre et en disant qu’iels ne voyaient pas où était le problème malgré de nombreuses explications des personnes qu’iels avaient blessés.
Le 22/03 une AG (annoncée sur le groupe facebook au même titre que les autres) a été mise en place pour notamment parler du problème causé par EGA. Aucun-e de ses membres ne s’est rendu-e sur place. Afin de résoudre en partie les problèmes cités plus haut, l’AG a décidé que les organisations n’auraient plus leur place au sein de Jeunesse en Lutte, à moins d’y avoir été invitée en tant que telle. Cela incluait le fait de ne plus distribuer ses tracts et journaux, et de ne plus afficher ses drapeaux et les couleurs de son organisation au sein du mouvement. Cette décision paraissait être la plus simple à mettre en place, en attendant d’avoir une charte permettant de maintenir une ligne inclusive et safe pour tout le monde.
EGA contestera cette décision par la suite, comparant notamment JEL avec la police (comparaison que nous considérons extrêmement déplacée vu le contexte), et ses membres continueront à venir avec leurs drapeaux lors des rassemblements malgré les décisions prises. Lorsque nous nous approcherons d’elleux pour leur dire d’enlever leurs drapeaux, iels nous diront que c’est impossible car la décision de l’AG est “anti-démocratique” et que “ranger un drapeau de 2 mètres c’est compliqué”.
Nous ne pouvons accepter de tels manques de respect et de considération de la part d’une organisation de “gauche”, et de personnes censées être au fait des schémas racistes qu’ils et elles sont susceptibles de reproduire. Nous ne pouvons pas lutter au côté de personnes adoptant des postures paternalistes et racistes, et excluant nos camarades racisé-e-s du mouvement. C’est pourquoi nous décidons de quitter Jeunesse en Lutte.
Nous ne sommes pas fermé-e-s à nous lancer dans de nouveaux mouvements maintenant, ou à l'avenir, ou de nous allier à d'autres organisations. Nous refusons cependant absolument de travailler avec des personnes et organisations qui ne sont pas capables de se remettre en question sur les luttes identitaires en cours. En effet, la révolution sera antiraciste ou ne sera pas, au même titre qu'elle sera féministe, queer, etc, ou ne sera pas.
Malgré cela, nous tirons du positif de ces deux mois de lutte. Nous avons tissé des liens avec d’autres secteurs en lutte, des mesures d’entraide concrètes se sont mises en place, et l’écho médiatique fut, du moins au début du mouvement, relativement fort.
Si nous sommes aujourd’hui en désaccord avec EGA, qui a repris en grande majorité les rennes de Jeunesse en Lutte, dû à l’exclusion de fait des personnes racisées, nous ne renonçons pas pour autant à la lutte contre les systèmes capitaliste, raciste et patriarcal.
Plus que jamais nous croyons en la lutte syndicale afin de lutter contre ces systèmes. L’auto-organisation des travailleur-euse-s et des opprimé-e-s est essentielle dans les combats qui nous animent, et c’est par les méthodes de l’entraide sociale, des grèves et des formations que nous parviendrons à créer un rapport de force conséquent face à l’Etat et ses politiques néo-libérales et inégalitaires.
Nous continuons donc notre travail syndical au sein des Universités et Hautes-Écoles avec d’autant plus de force que la situation sanitaire et la gestion désastreuse de cette crise par le gouvernement nous y oblige. C’est autour de revendications telles que le salaire étudiant, la rémunération des stages, et un refinancement massif et structurel de l’enseignement supérieur que nous nous battons, et cette lutte ne s’arrêtera pas ici.
Nous souhaitons beaucoup de courage aux quelques membres restants de Jeunesse en Lutte avec qui nous partageons les constats et les critiques exposées plus haut. Courage aussi à toutes celles et ceux, travailleur-euse-s, étudiant-e-s, chômeur-euse-s, écolier-ère-s, sans-papiers, qui subissent les conséquences de cette crise et de ce système de plein fouet.
La lutte continue !