Projet de réforme de l'enseignement supérieur : les étudiants prêts à la riposte
M. Marcourt utilisera-t-il l'austérité généralisée pour réserver l'enseignement supérieur à l'élite sociale ?
Décidément, à voir le projet de décret « Paysage », l'utopie sociale du ministère de l'enseignement supérieur francophone semble de plus en plus être un pays où les ouvriers engendrent des ouvriers et où les universitaires engendrent des universitaires.
Exit la démocratisation de l'enseignement supérieur : Si les étudiants des milieux précaires n'étaient déjà pas très nombreux à décrocher des diplômes de qualité, les enfants des travailleurs à revenus moyens n'y seront bientôt plus très nombreux non plus.
Les étudiants syndicalistes sont prêts à la riposte : que le ministère se rassure, même s'il compte sur la période de blocus pour faire passer ses mesures antisociales, les étudiants FGTB préparent des actions pour défendre une enseignement supérieur public accessible à tous !
Après le sous-financement chronique de l'enseignement supérieur, le gel du financement. Vers un examen d'entrée généralisé ?
Le projet de décret de M. Marcourt consacre le gel du financement des établissements d'enseignement supérieur. Si aujourd'hui ces derniers sont financés à leur nombre d'étudiants, avec le nouveau décret, l'enveloppe sera fixe pour chaque Haute école, Université ou École supérieure des arts. L'augmentation de la population étudiante ne sera plus à espérer pour les établissements, vu que leur dotation n'évoluera plus en conséquence.
Aujourd'hui, la politique de taux d'échec de plus de 50 % en BA1 permet déjà de contrôler l'offre de diplômés sur le marché du travail. Avec le nouveau décret, pour éviter les coûts d'une population étudiante trop élevée, il va falloir compter sur une sélection encore plus dure pour la limiter. Pour cela, on connaît une méthode simple : les examens et les concours d'entrée.
On peut donc craindre à court terme une généralisation de l'examen d'entrée. En Belgique, avec un enseignement secondaire mainte fois pointé du doigt pour ses inégalités flagrantes, l'examen d'entrée généralisé concrétiserait définitivement un enseignement à deux vitesses, où seuls les enfants sortis des écoles d'élites pourraient passer ces examens.
Comme si ça ne suffisait pas, le décret prévoit également un droit pour les établissements de refuser des étudiants s'ils n'ont pas les capacités de les accueillir. Sans précisions complémentaires, cet article confère un droit arbitraire à la direction des établissements de gestion de leur population. Au droit à l'enseignement pour tous, on substitue un droit à l'enseignement en fonction de la place dans les écoles.
Un pas en avant, trois pas en arrière : la politique sociale de l'enseignement supérieur selon M. Marcourt.
Alors qu'en 2009, un décret démocratisation était arraché par les luttes étudiantes pour réduire le coût des études, le ministère s'attache maintenant à l'augmenter ! Selon le projet de décret, on pourrait s'attendre à une augmentation du minerval à taux intermédiaire de jusqu'à 100 euros.
De plus, le ministre tient à ce que l'étudiant dispose d'un capital en s'inscrivant, puisqu'il devra s’acquitter de 25 % du minerval pour entamer une procédure d'inscription. Une mesure qui obligera tous les étudiants à pouvoir fournir un véritable acompte à l'inscription. Une mesure totalement antisociale : en effet, même pour entamer une demande de réduction de minerval (partielle ou totale), les étudiants doivent être inscrits. Cette politique va exactement dans le sens inverse de la gratuité de l'enseignement.
Élitisme ridicule.
Toujours selon le projet de décret, le nombre de redoublement maximum d'un étudiant pour effectuer son parcours de bachelier sera de trois, et pour son master, de deux. On parle ici d'un élitisme extrême, totalement déconnecté des réalités étudiantes. Le ministère semble vouloir produire des diplômés à marche forcée. Et encore une fois, M. Marcourt semble oublier que le taux d'échec est statistiquement plus lié à l'origine sociale qu'aux capacités réelles des étudiants. Somme toute, une autre mesure d’écrémage pour ne conserver que l'élite sociale dans l'enseignement supérieur.
Un pas de plus dans la transformation de l'école en fabrique de diplômés bon marchés.
La standardisation des produits, maître-mot du fordisme made in FEB, se ressent directement dans la réforme de l'évaluation. Les étudiants ne seront plus évalués sur leur année d'étude, mais sur leur réussite des « crédits », l'unité de valeur développée par le processus de marchandisation de l'enseignement de Bologne.
La pseudo-flexibilité du système par crédit cache l'adaptation des programmes de cours au plus près des demandes patronales. Cette évolution est un pas de plus vers un enseignement complètement à la botte du marché et aux besoins de la production, et non un enseignement de service public qui offre des diplômes de qualité à la population.
Les écoles doivent conserver leur indépendance face au marché et fournir des formations aux contenus variés et émancipateurs, qui permettent aux futurs salariés de ne pas juste être adaptés à l'un ou l'autre besoin temporaire de l'économie. Ce type de mesure est un véritable travail de sape du patronat sur les diplômes, qui dévalorise les qualifications et donc, à terme, les salaires.
Attaques inouïes sur la représentation étudiante.
Enfin, le message aux étudiants est clair : quand quelqu'un vous dérange dans une réunion, retirez lui son siège ! Voilà la ligne de fond ressentie dans le nouvel organigramme et processus de décision de l'enseignement supérieur dans le projet de décret. Mai 68 commence à sembler loin, très loin. Les étudiants, n'ayant déjà qu'un impact limité sur les politiques d'enseignements supérieurs, se verront encore plus affaiblis, puisque le ministère s'est atteler à enlever encore plus de poids aux représentants des étudiants.
Ce n'est qu'un début : nous entrons en campagne pour un enseignement supérieur accessible à tous !
Cette réforme n'est que la première partie d'un tout : il s'agit de la réforme des structures. Le gel du financement est transitoire, on doit s'attendre à un décret de financement où le pire est à craindre.
Les étudiants FGTB vont à présent diffuser l'information, et riposterons le cas échéant. Examens ou pas, les écoles sont nôtres, et on le fera savoir ! Nous appelons l'ensemble des organisations d'étudiants et de travailleurs indignées par ce projet de décret à ouvrir un front commun pour stopper ce projet sorti tout droit sorti d'une pensée on ne peut plus conservatrice.