Regard féministe sur la répression policière à la Bourse
Texte co-écrit par Féminisme Libertaire Bruxelles et MALFRAP USE, Commission Femmes non mixte de l’Union syndicale étudiante.
En tant que militantes antifascistes et féministes ayant participé au rassemblement antifasciste contre l’islamophobie à Bruxelles ce samedi 2 avril, nous souhaitons témoigner, depuis notre point de vue situé, de la répression policière subie par les personnes présentes ainsi que du contexte ultra-sécuritaire dans lequel elle s’inscrit.
Pour rappel, le groupuscule raciste et fasciste « Génération Identitaire » avait lancé un appel européen en vue d’une manifestation islamophobe ce samedi à Molenbeek. L’interdiction de cette mobilisation par le bourgmestre ne constituait en aucun cas une réponse satisfaisante contre la montée du fascisme dans nos rues. En effet, le dimanche précédent, deux groupes de hooligans rassemblant 450 personnes et comptant des individus d’extrême droite ont défilé à Bruxelles. Ils ont ainsi été escortés jusqu’à la Bourse par la police, alors que s’y tenait un rassemblement d’hommage aux victimes des attentats. Sans surprise, la police informée les avait laissé prendre le train à partir de Vilvorde.
C’est d’une façon plutôt contrastée que les forces de l’ordre ont traité le rassemblement antifasciste de ce samedi. Celui-ci, qui devait débuter à 13h, n’a en fait jamais eu lieu en raison d’un déploiement policier hors proportion, de l’intimidation policière, des contrôles d’identité mais encore et surtout une centaine d’arrestations au faciès – coordonnées par le commissaire Pierre Vandersmissen – de toute personne assimilée « d’extrême gauche » présente place de la Bourse. Ces arrestations ont été menées jusque dans un café avoisinant et ont concerné deux mineures ainsi que plusieurs personnes âgées.
Ce traitement particulièrement répressif s’exerçant, entre autres, sur les militant.e.s antiracistes, diffère fortement d’avec la tolérance dont ont pendant ce temps bénéficié les groupes d’extrême droite qui circulaient sur la place et aux alentours, ou d’avec l’encadrement des hooligans présents le dimanche 27 mars.
On peut également mentionner le rassemblement à Dilbeek, dès 11h, d’une trentaine de fascistes qui se sont ensuite dirigés vers Molenbeek afin de brandir une banderole et de scander des slogans. Ils ont terminé leur parcours en direction de l’Atomium. Leurs actions n’ont débouché sur aucune arrestation. Vers 16h, des jeunes de la commune Molenbeek – qui subissaient le racisme et l’islamophobie bien avant l’attention marquée des médias suite aux attentats – se sont rassemblés pour protester contre les manifestant.e.s d’extrême droite.
« J’ai été très surprise de constater qu’une femme proche ou appartenant au milieu fasciste était présente dans notre cellule, où étaient réunies pour la plupart des femmes antifascistes. J’ai été d’autant plus surprise que les hommes antifascistes étaient séparés des trois seuls fascistes arrêtés. C’était vraiment une façon de dire “les femmes ne sont pas violentes, cette fasciste ne risque rien”. Nous avons insisté auprès de la police pour qu’ils la changent de cellule. » — Elsa, militante à MALFRAP USE
« Au vu de nombreuses voitures de police présentes dès le matin, nous nous sommes déplacés en sous groupe jusqu’au lieu de rendez-vous place de la Bourse, en empruntant les rues adjacentes. Cependant, le trajet fut sans cesse interrompu de rencontres avec des policiers dont l’effectif exceptionnel et disproportionné était déconcertant. Des compagnonnes déjà sur place nous informaient simultanément de l’atmosphère extrêmement tendue des évènements comme les contrôles d’identité multiples et les arrestations arbitraires. Nous constations des fascistes aisément identifiables se promener sans crainte dans les rues. Inversement, une camionnette remplie de policiers s’est arrêtée pour contrôler un groupe, qui semblait être composé de touristes, se déplaçant vers la Bourse. L’observation critique du guêpier tendu aux militant.e.s antifascistes arrêtés et de l’espace public ainsi concédé aux groupuscules fascistes était malheureusement indéniable. Cette alliance de la police et de l’extrême droite a préjudicié fortement la continuité d’une riposte antifasciste bien organisée pour l’après midi. » — Sasha, militante à Féminisme Libertaire Bruxelles
« Le paternalisme des policiers était assez insultant. Nous avons été pris.e.s en photo lors de notre fouille, ce qui est illégal dans le cadre d’une arrestation administrative. Plusieurs militant.e.s, dont moi, avons protesté, et je ressors assez amère de cette échange. Deux policiers – celui s’occupant de moi et celui prenant la photo – se sont moqués de moi, imitant ma voie rendue aigüe par le stress, et après la photo, on eu la “sympathie” de me dire que je l’avais très bien fait. J’ai vraiment eu l’impression d’être traitée comme une fillette refusant d’être raisonnable, et non pas comme une adulte protestant pour ses droits. Évidemment les camarades masculins autours de moi n’ont pas été dénigrés. En cellule, j’ai entendu d’autres histoires de femmes ayant été traitées comme des enfants ennuyeuses. Je ne trouve pas normal que en tant que femmes, on ne nous considère toujours pas comme des adultes, en particulier dans un cadre où nous nous battons pour nos droits. » — Vic, militante à MALFRAP USE
« Ce samedi, le rassemblement antifasciste qui était sensé se passer dans le calme a vite été violemment réprimé par la police. Ce sont deux policiers en civil et sans brassard qui m’ont arrêtés. Sans surprise, l’arrestation ne s’est pas faite sans violence. Une fois arrivées dans les casernes d’Etterbeek, les femmes arrêtées nous sommes aperçues qu’il y avait deux mineures parmi nous. Nous avons du appeler les policiers sur place afin qu’elles puissent sortir. Environ une heure plus tard, trois fachos ont été mis dans une cellule à côté de celle où nous nous trouvions. Trois fachos plus une femme qui a été mise avec nous, antifas, avant qu’on n’exige son transfert dans une autre cellule ! Car tout le monde sait ça, et surtout les flics, que les femmes sont « par nature dociles », donc pas de baston à craindre. Trois plus une, ça fait quatre ! Quatre contre nonante-neuf arrestations parmi les antifas. Les fachos sont sortis environ deux heures avant nous… » — Gerda, militante