Regard féministe sur la répression policière : épisode 2
Ce dimanche 17 avril avait lieu une « Marche pour la vie » organisée au Mont des Arts par le mouvement européen réactionnaire March4Life, qui milite notamment contre l’euthanasie et le droit à l’avortement. Cette marche a lieu chaque année depuis 7 ans, et il n’y a eu que peu de ripostes féministes. C’est pourquoi nous avons jugé nécessaire d’organiser un contre rassemblement.
Dès que nous nous sommes rassemblé.e.s, à environ une cinquantaine, nous avons été encerclé.e.s par de nombreux.ses policiers.ères et rapidement arrêté.e.s ; dont certain.e.s de façon violente. Pendant notre arrestation, les militant.e.s March4Life ont pu exprimer leur mépris du droit des femmes à disposer librement de leurs corps.
Suite aux arrestations arbitraires du 2 avril 2016, dont certaines d’entre nous avaient déjà été victimes, ainsi que celles d’hier après midi, nous voulons réaffirmer notre droit à manifester librement contre les idéologies sexistes et réactionnaires.
Nous tenons à souligner que nous subissons doublement la répression en tant que militantes et femmes. Nous constatons une différence de traitement entre nos camarades hommes et nous. En effet, ceux-ci, bien qu’étant largement minoritaires hier après midi, ont été le centre d’attention des forces de police : menacés, agressés, arrêtés en priorité, violentés. De notre côté, nous ne sommes pas considérées comme une menace et nous sommes pas prises au sérieux. Cette décrédibilisation se couple d’une infantilisation de nos membres.
« Du début à la fin, on nous traitait comme du bétail. Condescendance. Agressivité. Propos déplacés. À un moment un policier nous a dit que nous étions trop négatives. Qu’il fallait arrêter de voir le mal partout. Et ce, pendant qu’un camarade se faisait tabasser parce qu’il refusait d’être pris en photo. C’est vrai qu’on voit le mal partout, mais ce n’est malheureusement pas qu’une question d’attitude. » – Carla
« L’arrestation d’hier était la première pour moi, mais ne m’a pas donné l’impression de découvrir quoi que ce soit. Les flics étaient pareils à eux-mêmes, pas d’attitudes surprenantes. Nous avons donc eu droit à leur éternelle obstination, leurs remarques désobligeantes, les dialogues de sourds habituels et les sourires narquois. Au-delà de ça, leur comportement était profondément sexiste et machiste. Nous avons eu droit à des remarques du type “Eh ben on va mettre ces jolies mad'moiselles en cellule !” Je ne suis pas une “jolie mad'moiselle”, je suis une militante, une personne à part entière et je t’emmerde. Ce que j’ai ressenti à l’issue de cette journée, c’est une immense lassitude accompagnée de frustration et de rage. » – Alexandra
« J’ai vu un de nos camarades se faire frapper, à un mètre de moi. Je commence à m’engueuler avec les flics et ils osent me dire que j’ai mal vu et qu’ils ne faisaient que lui tenir les mains. En plus d’être des gamines ennuyeuses, maintenant les femmes ne sont même plus capables de reconnaitre ce qu’elles voient pour la police. » – Leo
« Un policier nous a tenu un discours anti-avortement aux casernes, comme quoi on devait prendre nos responsabilités et que la contraception était gratuite. » – Sam
« Une fois embarqué.e.s dans les fourgons pour une raison encore quelque peu obscure, un ballet de remarques affligeantes, disproportionnées et portant atteinte à notre dignité a rapidement débuté. Nos poignets sont encore vivement marqués de la délicatesse des policiers. Comme si la privation de liberté ne suffisait pas, nous avons été soumi.se.s aux commentaires désobligeants et aux discours décousus des forces de l’ordre tout au long de l’après-midi. Nous avons été contraint.e.s de nous laisser photographier alors que la loi stipule que l’on a le droit de le refuser dans le cadre d’une arrestation administrative. Lorsqu’un militant s’y est pacifiquement opposé, celui-ci a été violemment encerclé et frappé dans le box de police.
Affligées par la scène qui se déroulait à quelques mètres de nous, nous avons été enfermé.e.s en cellule pour que ce spectacle d’humiliation puisse se poursuivre hors de notre vue. Pour revenir sur les paroles d’une officière, non, nous ne voulons pas “imposer nos petites idées de merde à tout.e.s”, nous voulons justement que chaque femme ait le choix de disposer de son corps comme elle l’entend. Ce mouvement n’est pas un mouvement “pro-vie”, mais simplement un mouvement anti-choix. N’est-ce pas d’ailleurs insolite de militer contre un droit ? Pour la vie de qui militent-ils exactement ? Sont-ils présents aux manifestations pour l’amélioration de la qualité de vie des femmes le reste de l’année ? Et de surcroit, pensez-vous qu’interdire l’avortement empêcherait les femmes d’avorter ? Cela forcerait un retour à des avortements non sécuritaires, qui feraient davantage de victimes. De quoi remettre en question votre vision manichéenne… » – Angela
« Après quelques minutes d’action, les policiers ont essayé de nous arracher la banderole des mains. Suite à cette résistance mouvementée, ils se sont confrontés à l’un de nos camardes masculin pour ensuite l’isoler et le contrôler. Parallèlement, après quelques bousculades, ils m’ont dit à plusieurs reprises « d’aller jouer plus loin ». Ils n’ont cessé de nous infantiliser et de nous décrédibiliser pour se concentrer sur nos alliés qui ont fait acte de présence, afin de nous soutenir à ce contre rassemblement. Avant d’entrer dans le combi, un policier anti-émeute a resserré exagérément les colsons de mes poignets en me précisant que je n’avais qu’à manger plus. À la caserne, on m’a accompagnée par le bras sur un ton condescendant, comme une enfant à nouveau, pour m’obliger à faire une photo (prise par un smartphone personnel) suite à une discussion quant à la légalité de ce procédé lors d’une arrestation administrative. » – Sasha
En conclusion, les policiers se montrent ouvertement virilistes, sexistes et paternalistes. En réprimant notre mouvement, la police et, par elle, l’État, ont implicitement fait le choix de se ranger du côté des anti-avortement. C’est la même direction qui a été prise en accompagnant les « hooligans » place de la Bourse et en arrêtant arbitrairement les militant.e.s antifascistes le 2 avril.
Police fédérale, milice du capital, oui ! Police fédérale, milice patriarcale, aussi !