ULB : l’éternelle supercherie du BEA et de Comac - Critique d’une stratégie politique erronée et sans finalité mobilisatrice
L’intention de l’Union Syndicale Étudiante, via cet article, est de partager une analyse politique sur les méthodes employées par le BEA, ou plutôt à travers lui, pour mobiliser les étudiant·e·s (comme le rassemblement du 15 novembre) et imposer cet organe de représentation à l’ULB comme le seul légitime.
Le BEA (Bureau des étudiant·e·s administrateur·trice·s) est le Conseil étudiant de l’ULB. Il s’agit d’un organe de représentation prévu par le décret Participation de la FWB (Fédération Wallonie-Bruxelles) qui, à l’ULB, rassemble les représentant·e·s élu·e·s de chaque Faculté. Cet organe pèse très peu aujourd’hui en termes de sièges au sein du Conseil académique et du Conseil d’administration de l’ULB. Cela fait suite à la Réforme de la gouvernance adoptée en 2013, qui est revenue sur l’ensemble des acquis de Mai 68. Depuis lors, les « étudiant·e·s-administrateur·trice·s » siégeant au BEA doivent aussi adopter une posture de loyauté envers les autorités de l’université.
Le BEA insiste chaque année sur le besoin de « mobiliser » et de « conscientiser » les étudiant·e·s. Leur but officiel est le suivant : créer un « mouvement de masse » pour un refinancement public de l’enseignement supérieur. En soi, cette démarche ne devrait pas nous déranger, que du contraire… Pourtant, nous en tirons le constat que l’approche choisie aboutit chaque fois aux mêmes échecs. Quelle que soit l’énergie investie par le BEA, les manifestations de quelques centaines d’étudiant·e·s sous la fenêtre d’un ministre ne parviendront pas à rapporter des victoires décisives au mouvement étudiant. Précisons que nous sommes en désaccord avec la théorie qui affirme que l’action étudiante n’est pas légitime si elle n’est pas massifiée, tout comme avec la ligne politique qui ne cherche qu’à mobiliser les étudiant·e·s pour les faire participer à une simple manifestation sous forme de mise en scène (marches, flash-mobs, etc.). C’est un éternel scénario que reproduit le BEA chaque année, avec des « campagnes » identiques.
La légitimité du BEA supérieure à celle des AG ?
La plateforme #OnVeutMieuxQueÇa, créée l’année passée, en 2017, sous la houlette du BEA, offre un bel exemple de la manière dont celui-ci conçoit une mobilisation étudiante. Le BEA invitait alors les étudiant·e·s à se rendre à des « assemblées étudiantes ». L’Assemblée Générale (AG) est un moyen démocratique et collectif de s’organiser, de débattre et de définir les buts et les moyens d’une lutte. C’est en tout cas de cette manière horizontale que nous la concevons à l’Union Syndicale Étudiante (USE), en autogestion. Néanmoins, le BEA transforme l’assemblée en une simple « séance d’information », pilotée par les représentant·e·s du BEA (ou plutôt de COMAC), pour « demander l’avis des étudiant·e·s » sur des sujets définis au préalable.
Ces pratiques systématiques ne font que fragiliser le mouvement étudiant, le rendant toujours plus docile et moins menaçant, au lieu de chercher l’émancipation contre les professeurs, les recteurs, et le monde politique particratique. Parfois, ces manifestations annuelles ne sont organisées que pour permettre des sorties de presse au président de la FEF (Fédération des Étudiant·e·s Francophones)[1], et a fortiori, au ministre de l’enseignement supérieur lui-même (actuellement Jean-Claude Marcourt).
Le BEA revendique alors sa légitimité en tant qu’organe élu, représentatif, pour mieux dépouiller l’AG de sa souveraineté, et prendre les décisions en bureau, à huit clos, au mépris de la participation du plus grand nombre. Pourtant on sait que cette représentativité n’est que relative, vu la grande difficulté avec laquelle le quorum d’éligibilité de 20% – voire le décret « participation » – a été obtenu dans certaines Facultés, particulièrement lors des dernières élections générales fin 2017 (voir notre article).
D’après le BEA nouvellement élu pour les années 2018-2019, ces mauvais résultats n’ont été dus qu’à des problèmes de localisation des bureaux de vote. Rien à voir avec le désintérêt complet et toujours plus effarant de cette fameuse « masse » d’étudiant·e·s à mobiliser, mais qui ne souhaite même plus aller voter, parfois à raison.
Le BEA, seule entité « légitime », car « élue », ne souhaite pas développer les mouvements étudiants à travers des AG horizontales et démocratiques. L’argument souvent répété est le suivant : réunir ne serait-ce que 30 personnes ne permet pas de garantir à l’AG une légitimité suffisante, alors que c’est à partir de là que tout commence. Ce sont pourtant toujours des minorités agissantes qui ont lancé de plus larges mouvements, comme avec l’exemple du mouvement Non à la hausse du minerval des étudiant·e·s hors UE. Non, le BEA préfère expliquer aux étudiant·e·s ce qu’ils/elles doivent penser, revendiquer, et comment l’exprimer.
Tout cela fait partie d’un « large mouvement », sans cesse repoussé à demain, qui s’inscrirait à plus long terme (la saison prochaine étant les élections de 2019). Il faut alors impérativement « conscientiser » les étudiant·e·s à rejoindre des manifestations et adhérer à des revendications issues de campagnes peu mobilisatrices. Un cirque auquel l’ensemble du monde universitaire et du ministère de l’enseignement supérieur s’est désormais malheureusement accoutumé…
Derrière les stratégies du BEA : COMAC
Pourquoi le BEA continue-t-il de mener ces stratégies si dénuées de sens et de cohérence politique ? On pourrait partir du principe que le but en soi du BEA (ou de la FEF) est de mobiliser les étudiant·e·s sur des causes précises. Parmi celles-ci, on retrouve le refinancement de l’enseignement supérieur, ou plutôt la critique de son définancement chronique (ce qui a été un changement revendicatif ces dernières années).
En réalité, ces orientations stratégiques ne dépendent pas d’une structure amorphe comme le BEA. Derrière ces choix, on retrouve bien une organisation politique propre et formée à reproduire encore et encore les mêmes schémas sur la réussite du mouvement étudiant : il s’agit de COMAC. Dénomination historique pour « Communistes actifs », le « mouvement des Jeunes du PTB » (Parti du Travail de Belgique) ne s’assume aujourd’hui qu’à moitié comme étant a priori « indépendant » du parti, représentant plus particulièrement le « mouvement étudiant » du PTB.
Car c’est bien Comac qui pousse le BEA à se cogner la tête contre le mur en permanence, à travers les mêmes méthodes et pratiques de dégénérescence bureaucratique avancée. En effet, Comac envoie très méticuleusement des cadres dirigeants se présenter aux élections étudiantes dans leur liste « Priorité étudiante », pour pouvoir mieux contrôler le BEA (ou d’autres conseils étudiants). Pardon… « animer » le mouvement étudiant.
Une stratégie qui dure depuis plus de 10 ans, mais dont on ne voit pas encore les effets sur le renforcement du rapport de force du mouvement étudiant et des luttes étudiantes. En outre, si l’on pense aux luttes concrètes qu’ont été les occupations des rectorats de l’ULB et de l’UCL en 2017 (contre l’augmentation du minerval des étudiant·e·s étranger·ère·s), la récente grève à la HEFF en octobre 2017, ou encore la grève à l’EOS en 2014 : toutes ces luttes ont été menées avec succès sans l’implication de Comac.
La vision de Comac des mobilisations étudiantes reste celle de se déguiser en main d’œuvre du BEA ou de la FEF. Ils mènent ainsi des campagnes de haut en bas via les bureaux ou conseils étudiants – qu’elle se nomment #OnVeutMieuxQueÇa, #QRPE, #SauvezWendy etc. – sans aucun contrôle des étudiant·e·s sur le choix des revendications, des stratégies, et des modes d’action. Cependant, mobiliser quelques centaines d’étudiant·e·s dans la rue, en agissant à chaque fois sur les mêmes thématiques ne fera pas changer les politiques actuelles.
Nous ne cherchons pas à mépriser les manifestations étudiantes, ni le travail de mobilisation pour les réunir, mais plutôt à critiquer l’instrumentalisation des énergies dans le seul but de « faire du membre » (en rejoignant Comac). En effet, COMAC a parmi ses buts le recrutement de futurs cadres, au sein des universités, afin de doter le PTB d’une « avant-garde ». Combien d’ex-membres de la direction nationale de COMAC ou de ses « Bureaux politiques » dans chaque université, n’occupent-ils/elles pas désormais un haut rang au sein du Parti (par exemple comme têtes de liste aux élections communales) ? Ce n’est ainsi pas un hasard si COMAC ne concentre ses appels d’auditoire qu’en BA1 ou en BA2, le but étant de recruter jeune, afin de pouvoir former longuement les esprits. À aucun moment la direction de COMAC n’a eu l’intention de créer un véritable rapport de forces, toute occupée qu’elle était à chercher ses nouveaux fidèles et grossir ses rangs.
De plus, pour Comac, l’organisation d’une manifestation est vue comme une fin en soi, et non pas comme un moyen de lutte. Une case à cocher par quadrimestre, chaque fois la même. Le tout, à nouveau, pour créer cyniquement un simulacre de combativité, le strict nécessaire pour attirer les jeunes étudiant·e·s se sentant concerné·e·s, et tester petit à petit leur capacité à devenir les futurs cadres de COMAC et ainsi assurer la relève.
Le terrain politique du mouvement étudiant n’est pas celui sur lequel on peut décider de s’engager à travers des revendications bancales, tout droit sorties d’un agenda politique partisan bien précis. Il s’agit d’un mouvement politique propre et émancipateur, qui se décline sur plusieurs causes à défendre : droits étudiants, accès aux bourses, au logement, meilleures conditions d’étude etc. Il ne peut être le monopole d’un seul courant politique ou d’un seul parti.
Que propose l’USE en alternative à COMAC ? Syndicalisme et autogestion !
Cela fait 10 ans que Comac est quasi-dominant au sein du BEA, où les candidat·e·s PE (Priorité Étudiante) ou assimilé·e·s remportent à chaque fois plus de facultés. Néanmoins, le BEA perd paradoxalement toujours plus d’adhésion, au vu du quorum de participation aux élections tous les deux ans. Comac continue malgré tout de développer sa narration par rapport à la seule voie à suivre pour mener des luttes étudiantes : sensibiliser les étudiant·e·s à travers des campagnes inoffensives et qui n’inquiètent en rien les autorités politiques. Ce n’est qu’à partir d’un « degré » de politisation suffisant qu’on réunira des AG, mais sous le contrôle de Comac.
Malgré ses défauts et ses échecs, l’occupation de la Salle des Marbres, dénommée « Zone à Démarbrer », aura permis un laboratoire politique et une expérimentation sociale vers une mobilisation étudiante critique et soucieuse d’analyser les besoins réels des étudiant·e·s, à une échelle locale comme l’ULB. Ces demandes ont été traduites en revendications, votées en AG, à travers une « assemblée libre » (renommée ainsi à l’occasion des 50 ans de Mai 68). Le tout en période de blocus, dans une salle d’étude autogérée, où les étudiant·e·s participaient aux AG tout en révisant leurs examens.
L’Union Syndicale Étudiante existe depuis 2010 pour défendre une vision de l’organisation du mouvement étudiant, à travers le prisme du syndicalisme étudiant, la culture autogestionnaire et des pratiques de démocratie directe. Cette culture démocratique du mouvement étudiant est internationale. On la retrouve, par exemple, dans les AG délibératives des derniers mouvements étudiants combatifs qui ont eu lieu en France, au Québec, ou au Chili etc.
Les cadres de Comac et du BEA s’amusent d’ailleurs à se référer aux AG françaises, voire à s’y présenter, pour les « étudier ». Mais dans leur créneau de mobilisation-conscientisation-politisation des étudiant·e·s, ils pratiquent absolument l’inverse une fois de retour en Belgique, et s’opposent à l’organisation d’assemblées générales démocratiques. En réalité, Comac n’aime pas les AG (souveraines), et si elles doivent se réunir, elles ne peuvent avoir de sens que sous une « direction politique » (sic), c’est-à-dire la leur. Et à l’ULB, cette direction porte un nom : le BEA.
Les dérives de l’« asblisation » du BEA et de la représentation étudiante
Nous profitons de cet article pour émettre une deuxième critique envers la structure actuelle du BEA. Nous tenons à rappeler que nous ne cherchons aucunement à nuire au BEA sur le plan juridique. Notre démarche s’inscrit simplement dans un souci de transparence. Nous nous opposons également à ce que l’ULB puisse en profiter pour mener une opération de mise sous tutelle du BEA pour les faits qui seraient avérés. Il est de la responsabilité du BEA de régler ces fautes avec les étudiant·e·s. Ces faits sont dignes d’une ABSL sous mauvaise gestion et qui ne respecte pas son propre personnel.
Le BEA n’est certainement pas le seul conseil étudiant qui a quelque chose à se reprocher. En revanche, quand on veut assumer une représentation telle que celle des étudiant·e·s de l’ULB, on ne peut tolérer que des dérives passées puissent se reproduire. Des dispositions de modifications statutaires auraient déjà été prises, mais nous pensons que l’actuel BEA doit aller plus loin et convoquer une assemblée étudiante ouverte à tou·te·s afin d’y présenter justement ces changements statutaires et les expliquer, ainsi que leurs comptes. Le BEA assumerait alors une véritable représentation étudiante actant la transparence de ses financements et activités.
Venons-en aux faits qui sont reprochés. Les deux mandatures du BEA précédant les dernières élections de 2017 ont vu s’opérer des détournements de fonds en interne qui questionnent considérablement le contrôle et la bonne gestion des trésoreries du BEA :
Sous le BEA 2016-2017, plusieurs dizaines de milliers d’euros ont été versés à l’« ASBL Nocturnes » (qui n’existe plus) pour renflouer la dette des Nocturnes, dont les éditions 2017 et 2018 n’ont d’ailleurs pas eu lieu. Ce versement a été décidé sans l’accord de l’Assemblée générale de l’ASBL, et par une seule personne : le trésorier. Il doit désormais tout rembourser au BEA.
Un autre détournement s’est effectué sous le BEA 2014-2015, et où la seule responsabilité du trésorier a permis de financer des soirées en Flandre pour son compte personnel, avec la carte bancaire du BEA…
L’ensemble du BEA n’était pas averti de ces agissements, et des résolutions collectives ont ensuite été prises. Pourtant, devons-nous rappeler que le BEA reçoit plus de 50.000€ de subsides par an ? Ou que l’on aimerait voir cet argent servir davantage à l’aide sociale des étudiant·e·s plutôt qu’à permettre de financer des évènements tels que les Nocturnes ou d’autres soirées personnelles ? Ces faits sont tout simplement scandaleux.
Mais pour justifier son négatif budgétaire, le BEA actuel a choisi de ne pas mettre en lumière ces détournements (hormis en interne), et a déclaré aux cercles et associations de l’ULB qu’on ne leur accorderait plus de subsides, à titre temporaire. L’USE aura plus d’une fois interpellé le BEA aux AG de l’AIC pour savoir comment ils en étaient arrivés à cette situation, mais sans réponses concrètes à nos demandes.
Un autre fait grave concerne cette fois l’actuel BEA ayant pris ses fonctions en 2018. Tout le monde ne le sait peut-être pas, mais le BEA emploie des « permanent·e·s » : un/une secrétaire et un/une juriste. Des personnes salarié·e·s et sous contrat de travail, qui assument un service important pour les représentant·e·s étudiant·e·s (réponse aux mails, permanences pour les étudiant·e·s, rédaction des PV en réunion etc).
L’an dernier, le BEA a décidé de ne plus respecter toute une série de conditions de travail de leurs salarié·e·s, rentrant dans le registre de la persécution au travail ou du non-paiement des salaires. Il y a 10 ans, le BEA avait également procédé au licenciement de ses deux permanents, une décision mise en place par des responsables Comac.
Ces « affaires » ne font que confirmer les dérives d’une certaine forme d’« asblisation » du BEA, qui, par son fonctionnement et des abus qui en découlent, dévie totalement de sa fonction première qu’est la représentation étudiante… Le BEA ne peut plus continuer à rester dans sa tour d’ivoire, et ne rien communiquer aux étudiant·e·s sur son fonctionnement, ses finances et ses décisions.
Tout comme les campagnes à mener doivent être ouvertes à la participation des étudiant·e·s, afin de les voir s’y engager davantage, le BEA devrait permettre de définir avec les étudiant·e·s les revendications et les plans d’action. Il n’a pas à suivre des formules inutiles qui ne répondent qu’à l’agenda politique de la FEF ou du Comac.
L’USE ne cherche pas à faire la morale, mais nous estimons que les structures souhaitant représenter les étudiant·e·s de l’ULB doivent réunir les conditions permettant des mobilisations réelles et concrètes, contre les politiques néfastes qui sont menées dans l’enseignement supérieur en Belgique. Nous en avons assez de voir le BEA convoquer des « assemblées étudiantes », mais qui ne sont jamais décisionnelles, tout comme les campagnes sous forme de plateformes qui ne mobilisent plus personne, et qui sont davantage nuisibles au mouvement étudiant.
Face à tout ce constat, le BEA devra assumer plus de transparence. Comme proposé à une AG de l’Association Inter-Cercles, nous demandons à ce que le BEA réunisse une Assemblée générale délibérative dans les plus brefs délais, pour s’expliquer sur son nouveau fonctionnement, ses modifications statutaires et ses objectifs politiques. Car #OnVeutMieuxQueÇaDuBEA.
Rappelons que la FEF est un organisme de représentation communautaire (ORC), tout comme l’Unécof, qui vise à défendre les droits des étudiant·e·s à l’échelle de la Belgique francophone. ↩︎