Éloge critique sur l’univers politique de « Bologna la rossa » #5
« J’ai vécu à Bologne entre octobre 2015 à septembre 2016, et j’ai pu observer et fréquenter tout un univers d’engagement politique et militant, comme je n’en avais jamais vu ailleurs. »
Par Orville, étudiant à l’ULB et à l’Università di Bologna en 2015-2016.
Cet article est le dernier d'une série de 5 textes :
- Partie I : L’histoire révolutionnaire en Italie, une histoire de résistance(s)
- Partie II : Contexte politique d’aujourd’hui en Italie et les forces en présence
- Partie III : Les mouvements militants de Bologne
- Partie IV : CUA vs Link – deux organisations similaires mais aux visions distinctes
- Partie V : « Bologne la rouge » a-t-elle besoin de réaffirmer sa couleur ?
« Bologne la rouge » a-t-elle besoin de réaffirmer sa couleur ?
Bologna la bella
Bologna la ribella
Bologna la rossa!
Repensant à mes expériences de luttes en Belgique, en Italie ou ailleurs, je continue à croire que la base de l’internationalisme est de ne justement jamais se sentir étranger là où on se joint à des causes politiques que l’on souhaite défendre. Il est clair qu’on est un peu perdu au début quand on débarque, comme ce fut mon cas à Bologne, mais il m’a été très facile de retrouver ma place dans cet univers politique si particulier.
Une réelle conscience commune existe à Bologne, où on s’attache à un même environnement dans lequel on se sent vivre et exister politiquement en tant que militant révolutionnaire. Et cela au milieu de nombreuses personnes semblables à soi dans leurs idées et leur volonté d’arriver à une transformation sociale importante, via la culture, l’histoire, les pratiques et les espaces d’une ville de gauche comme Bologna.
Malgré cet enthousiasme, j’ai pu observer une large indifférence d’une grande partie d’étudiant·e·s et d’habitant·e·s de la ville à toutes ces sphères d’engagement et de radicalité citadine. Je n’ai jamais voulu sous-entendre que Bologne était le nouveau centre de la révolution mondiale, et que la ville vivait en dehors de la société capitaliste, qui atomise les individus et criminalise les militant·e·s.
Ainsi, j’ai remarqué que tout cet univers radical s’était en quelque sorte, sous certains aspects, intégré lui aussi à la ville. On a conscience que ces lieux et mouvements existent, mais où leur fréquentation et la base de ceux/celles qui s’y impliquent se résume aux militant·e·s et aux habitant·e·s des quartiers, convaincus par l’importance de ces espaces de solidarité et de vie communautaire.
Malheureusement, j’ai dû remettre à jour cet article par rapport aux événement survenus le 8 août dernier… en plein été, comme chaque année dorénavant, où les centres Làbas et Crash ont été violemment expulsés. Malgré leur résistance, les forces de l’ordre étaient trop nombreuses et répressives pour que les camarades ne puissent les arrêter, mais l’indignation générale dans la ville s’est tout de suite manifestée !
Par ces attaques systématiques conte ces centres sociaux, la préfecture, les carabinieri et le maire PD Merola, sous prétexte de vouloir s’en débarrasser pour « normaliser » la ville, ne font que rallier l’extrême-droite qui mène des campagnes pour leur fermeture partout en Italie. Les autorités publiques de Bologne deviennent donc de véritables exécuteurs des volontés fascistes, à l’image des milices squadristes de Mussolini et de leurs attaques dans les années 1920 contre les Case del popolo (Maisons du Peuple). Elles étaient alors les premiers espaces dédiés au mouvement paysan et ouvrier du Biennio Rosso. Aujourd’hui, les forces réactionnaires cherchent à anéantir les centri sociali.
Il ne faut pas croire que ces centres sociaux sont abattus pour toujours, bien que ce soit un coup dur pour le Làbas et le bel endroit où il s’organisait, ce n’est pas la première fois que le Crash a connu un sgombero. Je peux vous assurer que ces réseaux transformeront très vite de nouveaux lieux, pour maintenir leur engagement dans les différentes luttes sociales. Le soutien populaire de ces deniers mois pour l’XM, le Làbas, ou le Crash, ne s’arrêtera également pas là. Ces lieux de solidarité et de bien commun pour les habitant-e-s appartiennent à la ville, et ils seront défendus ou recréés sans relâche.
Ce n’est évidemment pas pour rien qu’on s’attaque à ces espaces, qui développent une politisation évolutive sur base de leurs expériences de lutte, et qui génèrent espérance et esprit de résistance. En Italie, ces centres sociaux sont les dernières alternatives d’organisation contre l’atomisation, la résignation, la dépolitisation, le symbole de la rupture de cette jeunesse combative avec le système politique officiel. Le maintien de ces espaces d’émancipation et de réflexion permettent donc l’élaboration des moyens de résistance, afin d’intensifier la lutte politique dans tous les domaines de révolte.
Je pense qu’en Belgique, on peut très sincèrement s’inspirer des milieux militants de Bologne, m’adressant bien évidemment à tou·te·s celles et ceux qui ne se reconnaissent plus dans les partis politiques. Notre nouvelle ère nous demande de submerger les concepts organisationnels dépassés, et d’embrasser l’avenir avec le retour aux pratiques révolutionnaires qui ont toujours fait céder le capital : occupation, action directe, et création de nouveaux espaces de solidarité concrète.
Terminé les plateformes d’organisations pour mener des campagnes dans le vent. Il faut se mettre à officialiser des réseaux de résistance, rassemblant différentes organisations, mais qui concentrent leurs énergies dans les actions et les luttes politiques à mener par rapport à notre propre contexte, et sur les différentes urgences politiques, sociales et environnementales de notre temps. Les énergies militantes de Bologne peuvent se développer partout, il suffit d’y croire et d’avoir de la volonté !