Élections à l’ULB : arrive-t-on à saturation ?
En décembre dernier, c’était les élections étudiantes reines à l’ULB : celles du Bureau des étudiant·e·s administeurs-trices (BEA). Chose assez rare pour être soulignée, les candidat·e·s n’ont pas obtenu le quorum dans les facultés de Psychologie et de Philosophie et sciences sociales. Rajoutons qu’en Pharmacie, en Architecture et en Sciences de la motricité, aucune liste ne s’est présentée.
La situation en Philosoc est d’autant plus surprenante que plusieurs listes s’affrontaient, ajoutant ainsi un enjeu à la simple bataille contre le quorum (20 % des étudiant·e·s doivent se rendre aux urnes pour que les élections soient validées).
En psycho, cet échec pourrait être attribué à la façon dont les délégué·e·s ont géré le dossier des mémoires et des stages.
Une chose est sûre : l’abstentionnisme est de plus en plus prégnant. On arrive à un état de lassitude des étudiant·e·s vis-à-vis des élections, voire une indifférence majeure et un désintérêt profond. Malgré les campagnes intenses et les appels au vote incessants, les étudiant·e·s ne semblent pas s’émouvoir du moment électoral ni de son importance supposée.
De la cogestion
Les étudiant·e·s administrateurs/trices sont ces étudiant·e·s à qui l’on demande de cogérer l’Université, de voter les coupes budgétaires, d’appliquer les politiques néolibérales de l’enseignement, mais aussi d’être des patrons ayant sous leur autorité des permantent·e·s. Même si celles et ceux-ci étaient de bonne volonté, le recteur, dans sa bonne grâce, ne leur accorde que 20 % des voix dans un système où tout se joue à la majorité. C’est donc pour cet enjeu-là que nous votons tous les deux ans (situation exceptionnelle à l’ULB, tous les autres conseils étudiants étant renouvelés tous les ans). De plus, la réforme de la gouvernance [1] votée en 2013 réduit encore davantage le poids dont disposait le BEA. En effet, le nombre de sièges accordés aux étudiant·e·s administrateurs et administratrices au CA est passé de 11 à 4 (le poids relatif restant toutefois inchangé). Impossible donc d’instaurer un rapport de force dans les instances.
L’USE a toujours été critique des élections étudiantes. Pour nous, les élections peuvent être un moyen d’obtenir des informations dans les (hautes) instances de l’Université, afin de s’en servir dans nos luttes.
Il n’est pas question de cogérer l’université main dans la main avec ses managers, appliquant des mesures néolibérales. L’USE considère que les améliorations de nos conditions de vie, de travail et d’étude sont le fruit de notre action collective et de notre rapport de force face aux directions des établissements et aux gouvernements. Nous ne nous contentons pas de vouloir être de bons porte-paroles, nous favorisons l’organisation de rassemblements , d’occupations et d’autres actes de grèves étudiantes qui nous permettent de porter plus fort nos revendications.
De la représentation
Un syndicat comme l’USE est organisé sur base de l’affiliation individuelle : les étudiant·e·s décident de devenir membres et le syndicat repose sur celles et ceux-ci. La FEF et l’Unécof, en tant qu’ORC (Organisations Représentatives des étudiant·e·s au niveau Communautaire), sont reconnues par l’État comme ses interlocutrices pour les droits des étudiant·e·s, mais cette légitimité est fondée sur une représentativité des étudiant·e·s qui est elle-même le fruit d’élections indirectes: au sein de chaque établissement, les étudiant·e·s élisent un conseil étudiant, qui décide alors seul de rejoindre la FEF ou l’Unécof, affiliant parfois jusqu’à plusieurs milliers d’étudiant·e·s à l’une ou l’autre de ces ORC sur la décision d’une dizaine d’élu·e·s.
Au contraire de ce système, l’affiliation individuelle telle que pratiquée à l’USE permet d’impliquer directement les étudiant·e·s dans la défense de leurs droits, et donc de défendre un projet collectif plus concret.
A celles et ceux qui répondent que ce système ne nous permet pas de représenter la majorité du corps étudiant nous rétorquons que la représentation n’est pas le point de départ de la lutte telle que nous la concevons : il s’agit d’un moyen utile mais non nécessaire. Le point de départ de nos luttes est l’association de celles et ceux qui partagent des intérêts communs. Qu’ils et elles soient 30 ou 30 000 ne change rien à la valeur de leurs revendications, ni à la légitimité de leur action. Nous rappelons également que le système de représentation actuel, par élections à la majorité, est un parti pris idéologique : celui du droit démocratique.
Emile Pouget, théoricien du syndicalisme révolutionnaire français, oppose le droit démocratique au droit syndical [2], ce dernier ne nécessitant pas l’adhésion de la majorité au syndicat ou à une action quelconque pour les légitimer. On estime qu’une seule personne est déjà légitime pour lutter contre une injustice : un travailleur lésé par sa direction ne va pas forcément attendre que tou·te·s ses collègues soient dans le même cas pour réagir et se défendre. Celles et ceux qui s’abstiennent de lutter sont soit inconscient·e·s des injustices, et il faudrait les convaincre de la nécessité de la lutte et des bienfaits qui en résultent, soit des ennemis de classe. En effet, les étudiant·e·s ne forment pas un groupe homogène : ils et elles sont pris·e·s dans des antagonismes de classe et des dynamiques sexistes et racistes, tout comme le reste de la société. Il est donc inutile de s’attarder à obtenir l’adhésion de toutes et de tous, même s’il est bien évidemment préférable d’être nombreux/ses pour avoir un meilleur rapport de force.
Enfin, nous rappelons que l’USE n’écarte pas la possibilité de se (re)présenter aux élections dans l’optique de récolter des informations. Cependant, nous voyons bien que la logique électorale a atteint ses limites, tout du moins à l’ULB, et qu’il est temps de se diriger vers une alternative : le syndicalisme de lutte.
Ce 28 février, si tu ne votes pas, syndique-toi !
Pour plus d’informations sur la réforme de la gouvernance, voir : L'ULB met à mort les acquis de mai 68 ; Les représentants étudiants muselés ; Lettre ouverte à la communauté universitaire de l'ULB ; Les étudiants pour le blocage du Conseil d'Administration de l'ULB contre la réforme de la gouvernance. ↩︎
POUGET, Émile, L’action directe. ↩︎